On est bien sûr tous d'accords que les listes de must-have, les "discothèques idéales" et les desert island lists professorales sont plus que jamais une aberration. La profusion sur Internet nous a tous transformés en diggers potentiels (j'ai bien dit potentiels) et les labyrinthes de musique rare qu'on a eu le bonheur de redécouvrir pendant la parenthèse enchantée de ces 10 dernières années ont pour ainsi dire rendu obsolète la notion même de "chef d'oeuvre". Et pourtant.
J'ai envie de dire, De Natura Sonorum est un item absolument indispensable à toute discothèque électronique qui se respecte. Et je ne parle pas que des barbichus qui collectionnent les premiers pressages de Magison ou de Prospective 21ème siècle, non; je vais trahir un autre principe en écrivant ça, mais tous les gens qui ont au moins un disque d'Autechre, Model 500 ou Jean-Michel Jarre qu'ils chérissent à la maison aussi devrait avoir un exemplaire physique d'un disque de Parmegiani, et si possible son De Natura Sonorum de 1975, même en disque compact, même dans cette version de 1990 avec cette pochette apte à transformer la rétine en crème caramel, si possible dans la superbe réédition LP que nous propose aujourd'hui la Recollection GRM des Editions Mego.
Car non seulement De Natura Sonorum demeure ébaubissant de modernité au point de filer des sueurs froides à 100% des bidouilleurs d'Ableton à la ronde, mais c'est surtout un moment de musique éblouissant d'étrange et d'incompréhensible beauté. Tout s'entend dans l'"Accident/Harmoniques" qu'on a l'occasion de vous faire écouter aujourd'hui: l'absolue pertinence de la structure, la musicalité totale des ruptures, l'intelligence des sons électronique et des échantillons...
Sorte de koân sonore débarqué d'un ailleurs absolument mystérieux pour l'entendement mais limpide pour les sens, "Accident/Harmoniques" n'est construit selon aucune logique musicale connue, voire aucune logique tout court, et semble construire simultanément son propre langage, sa propre beauté et sa propre nécessité. C'est l'un des exemples les plus probants et les plus émouvants que je connaisse de la musique concrète comme elle a su exister pour sa pomme, par ses propres moyens, presque détachée des formes et des considérations musicales de ses ancêtres et ses contemporains. C'était les années 70; c'était étrange, c'était la modernité. Près de 40 ans plus tard, c'est toujours aussi mystérieusement beau et saisissant d'étrangeté.
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