Ne serait-ce que d'un point de vue documentaire, ce disque est facile à vendre: il s'agit de la réédition en (quasi) fac similé d'une des toutes, toutes premières pièces de musique électronique jamais pressée sur disque vinyle. D'après les diggers de Cacophonic (sous-label de Finders Keepers qui éditent l'objet), ce 10" pressé en catimini en 1955 n'aurait que deux précédents: la première compilation de présentation du Service de la recherche de la RTF ébauchée en 1953 par Pierre Schaeffer, et Strange To Your Ears, excentricité novelty publiée en 1955 par le sound-engineer Jim Fassett pour faire découvrir la musique concrète au grand public du Space Age.
Deuxième argument de vente, Tape Recorder Music est un jalon pour la musique qu'il contient puisqu'il rend compte du premier véritable concert de musique concrète jamais organisé sur le sol américain. Organisé par le MOMA le 18 octobre 1952 à l'invitation de l'American Composers Alliance and Broadcast Music, le concert fut à ce point considéré comme un événement considérable pour la vie culturelle de l'époque qu'il fut retransmis en direct à la télévision: enfin, l'Amérique rattrapait son retard sur les pionniers français, enfin la musique savante américaine plongeait dans la modernité!
La rencontre du jeune loup Vladimir Ussachevsky et du faux sage Otto Luening avec la musique électronique était pourtant toute fraiche. Ussachevsky fait remonter ses premières expériences à l'année 1951, quand il fut nommé responsable à Columbia du magnétophone à bande Ampex que l'université venait de recevoir pour enregistrer des concerts. Moderniste expérimenté (dans les années 20, à Zurich, il étudia la composition avec Ferruccio Busoni) et enseignant au Bennington College, Luening tomba sous le charme suite à une démonstration d'Ussachevsky à Columbia.
Elaborées entre le studio de Luening à Bennington et la maison d'Henry Cowell à Woodstock, les pièces jouées au Tape Music Historic Concert constituent, avec l'Imaginary Landscape n°1 de John Cage (dans lequel les sons électroniques étaient joués par deux tourne-disques), le moment zéro de la musique électronique américaine. Quelques années plus tard, Luening et Ussachevsky enfoncèrent le clou de leur révolution en fondant en 1958 le Columbia-Princeton Electronic Music Center, où ont étudié et / ou bricolé Wendy Carlos, Ilhan Mimaroglu, Charles Dodge ou Luciano Berio. Mais ça, c'est déjà une autre histoire...
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