1998. L'indie pop est au top, les gens achètent encore des cédés, Mercury Rev empilent les statuettes et les médailles pour leur Deserter's Song de l'an passé. Pendant ce temps là, les brillants Flaming Lips d'Oklahoma City, groupe déjà vétéran de "rock weirdo pas franchement successful", pédalent encore et toujours dans la semoule. Steven Drozd est accro à l'héroïne, leur seul et unique hit remonte à 1993 et Zaireeka a fait un flop pour la raison plutôt sensée qu'il s'agit du seul disque de l'histoire de la pop que personne ne sait comment écouter, y compris ceux qui l'ont fait. Les gens de Warner Bros, leur label, commencent à faire sérieusement la gueule. Et puis sans trop savoir quoi faire de leurs trente doigts, les Lips retournent en studio avec leur fidèle metteur en bruit Dave Fridmann pour enregistrer ce qui va devenir l'album le plus important de leur carrière, "un disque sans guitares, mais pas à la Kraftwerk, plutôt à la Walt Disney".
C'est cette histoire simple mais pleine de viande que nous racontent Coyne, Drozd, Michael Ivins dans ce nouvel épisode de Pitchfork Classic consacré à The Soft Bulletin. Ça vient de râler au bureau contre les "documentaires" sans idée qui ne racontent rien, mais IMHO ce docu contient suffisamment d'archives de dingues, d'interviews avec Dave Fridmann et d'anecdotes intéressantes pour le rendre plus passionnant que 95% des documentaires sur la pop de la planète. On peut par exemple y apprendre que l'album a failli s'appeler "The Soft Bullet In", que la photo de la pochette vient d'un article sur le LSD et que l'intro de "The Spiderbite Song" a été bidouillée sur un 8-pistes numérique de marque Alesis.
Si vous avez vu The Fearless Freaks ou Blastula, The Making of Embryonic, vous savez déjà à quel point les Lips sont généreux de leur temps de parole et de leur intimité; vous savez aussi à quel point ça fait des images intéressantes à regarder. Surtout si vous êtes une personne à peu près normalement constituée et que The Soft Bulletin vous a un jour fait exploser le cerveau (dans ma conception des choses les deux vont ensemble), ces quarante-cinq minutes riches en nerderies de studio essentielles et en data hagiographique sur le cancer du père de Wayne Coyne sont obligées de vous intéresser. Râlez tant que vous voulez contre Pitchfork (on le fait au moins une fois par semaine), ce docu très pro et complètement gratos est un vrai cadeau.
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