Gigi Masin: The Word Love

Gigi Masin n'est pas à proprement parler une légende de la musique électronique: en principe, si vous avez déjà hésité à acheter un disque de lui chez un disquaire, c'est soit que vous êtes un digger invétéré, soit que l'ambient italien des années 80 est votre école de musique préféré sur la Terre, soit que vous êtes du genre à acheter des disques au hasard sur la foi d'une jolie pochette. De fait, le principal fait d'arme de ce Vénitien actif depuis le début des années 70 mais surtout connu en Italie comme animateur radio, c'est d'avoir partagé l'affiche avec le grand Charles Hayward (This Heat, Camberwell Now...) le temps d'un split album sur Sub Rosa en 1989 dont le "Clouds" d'ouverture a été samplé par Björk, le producteur de rap nippon Nujabes et To Rococo Rot.

Tout ça pour dire qu'on n'a absolument rien contre le fait que le tout jeune label de réédition Music From Memory lui consacre une anthologie, mais qu'on ne l'attendait pas en trépignant du pied - de fait, on n'avait jamais entendu parler de Gigi Masin avant. Belle découverte, donc, qu'on ne qualifiera pas de "majeure" par respect pour la discrétion avec laquelle l'Italien a mené sa carrière (il a autoproduit la plupart de ses disques) et pour la qualité reservée, presque pastelle de sa musique, mais qu'on rangera sans hésiter dans la catégorie des musiques qui rendent la vie meilleure. A mi-chemin de la pop progressive de studio façon Hector Zazou, de la variet' lettrée et du pur ambient DX7 à la Budd & Eno, Masin faisait au mitan des années 80 des potions électroniques pleines de coeur et ponctuellement en avance sur leur temps.

L'inédit "The Word Love", qu'on vous fait écouter aujourd'hui, évoque immédiatement l'ambiant à textures brumeuses et piano traînant qui occupe Ryûichi Sakamoto depuis quatre, cinq ans (alors qu'au mitan des années 80, il faisait tout autre chose) et malgré le fait que l'ensemble oscille sur la ligne de faîte qui sépare l'avant-garde du new-age qu'on illustre sur Youtube avec des dessins de licorne à l'aérographe, on sort sans flipper l'étiquette "visionnaire". Le reste de Talk to the Sea étant à classer dans la catégorie "disque qui peut devenir ton ami", on vous conseille de réserver sans tarder votre copie.