12 janvier 2017, Slowdive, récemment reformé et passé par la tournée cash flows des festivals se décide finalement à publier un nouveau morceau, annonciateur d'un nouvel album. Pas vraiment de surprise sur le plan musical, le groupe anglais fait ce qu'il sait faire : du rock shoegaze millésimé avec une intention pop et des vocalises "éthérées" (on a inventé le terme pour eux). Pourtant, avant d'être partout sur vos timelines, Slowdive a longtemps été la petite brebis galeuse de la musique anglaise.
On récapitule une histoire typiquement british : Slowdive connait un buzz rapide dès la fin des années 80 et devient dans la foulée de My Bloody Valentine le représentant du shoegaze, qui désigne autant un son de guitares qu'une façon de regarder ses pieds au lieu de regarder les meufs au loin ou de guetter l'arrivée du dealer comme le faisaient très bien Happy Mondays et autres Stone Roses. Avant d'en chier des ronds de chapeau comme tous les médias du monde actuellement, la presse UK, Melody Maker et NME en tête, passe son temps à monter et démonter des baudruches. En gros, on prend 3/4 groupes inconnus, on trouve une vague ressemblance, on colle une étiquette et on envoie au charbon. Le phénomène durait environ 12 à 18 mois (un clignement de cil à l'époque pre-internet) puis les mêmes journalistes s'en prenaient à leurs anciens poulains à l'aune de la publication d'un deuxième album forcément raté. Il était temps de lancer la nouvelle vague de groupes "prometteurs". C'est exactement ce qui se passa pour Slowdive, démonté par la presse avec son deuxième album "Souvlaki", les journalistes étant très occupés à faire de la place à la Brit Pop et essayer d'importer le grunge par chez eux (toujours pas d'Internet les gars). Slowdive de son côté fume trop de pétards, essaie d'appeler Brian Eno (qui finit par jammer sur deux titres de Souvlaki) et après un 3e album Pygmalion, encore plus ambient, aux limites de la techno lo-fi finit par se faire bouger de son label. Va falloir y aller monsieur maintenant, vous pouvez faire de la country chiante si vous voulez.
Comment expliquer alors qu'en 2017, Slowdive, en une de Pitchfork, excite toute une bordée d'à peine vingtenaires en même temps que leurs grands frères tout juste parents? On en avait déjà une intuition en constatant l'omniprésence du son shoegaze dans à peu près toutes les musiques actuelles (du metal à la noise en passant par ce fameux cloud rap).
Mais un cinéaste fait depuis les années 90 la promotion de ses groupes préférés dans des films qui dieu merci échappent à l'adjectif clippesque : Gregg Araki. Le réalisateur californien, inspiré autant par Warhol que la série Beverly Hills 90210 (pas le reboot on vous rassure), a fait du son shoegaze une véritable composante de ses films. Ici pas de pastiche ou clin d'oeil comme le soulevait notre récent dossier sur les BO actuelles, mais la construction d'un véritable univers visuel en corrélation avec ces sonorités planantes et cotonneuses qui donnent souvent l'impression de se mettre de la MDMA dans les oreilles (à l'époque on disait xeu...).
Comme il le raconte au Guardian en 2011, Araki s'est pris le shoegaze en pleine figure aux USA au moment pile où le mouvement retombait Europe. Slowdive venait de faire sa première tournée US (en première partie de Blur) et Greg, peu attiré par la pas très fun scène grunge, se lança en quête d'exotisme dans une exploration du rock anglais expérimental de l'époque. En parallèle, il démarre la création d'un trio de films qui allait faire sa renommée : " Teen Apocalypse Trilogy". Il se fait la main avec "Totally Fucked Up" dont la BO inclut des titres de Ride ou Cocteau Twins (une autre de ses grosses marottes). Mais c'est avec le suivant "The Doom Generation" qu'il introduit la musique de Slowdive à l'écran avec le "Blue Monday" des kids déprimés: "Alison" et "Blue Skied an clear", présent sur le dernier disque des anglais. Il achève son entreprise avec le dernier film de la trilogie: "Nowhere" qui s'ouvre carrément sur un morceau du groupe dans ce qui restera probablement la meilleure mise image du son shoegaze.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.