Quand je prends le train j'achète souvent Vanity Fair. On a tous nos péchés mignons et ça vaut toujours mieux que d'écluser des canettes de 16 en lisant l'interview de Catherine Deneuve dans TGV Magazine. J'y ai lu un passionnant article sur Ari Onassis, un très riche armateur grec qui a acheté une île du nom de Skorpios pour ses femmes Jackie Kennedy et Maria Callas. Peu à peu, tous ceux qui s'en sont approchés sont morts, lui y compris, alors que l'île devenait aussi maudite que magnifique. C'est à peu près le genre d'images qui m'a traversé l'esprit quand j'ai écouté Weyes Blood pour la première fois, à la sortie de son album The Innocents sur Mexican Summer (label sur lequel est sorti l'album de Torn Hawk duquel on parlait justement ce matin). 

Nathalie Mering de son vrai nom a côtoyé les trop sous-estimés Jackie-O Mother Fucker et le très côté (n'est-ce pas Olivier Lamm) Ariel Pink avant de se lancer en solo. Pourtant ici pas de collages sonores ou d'expérimentations opiacées. Weyes Blood sonne comme tout sauf comme un disque de 2014. Si l'inspiration de base semble bien être la musique folk 60's, l'américaine y ajoute de (parfois) surprenantes harmonies médiévales et un chant qui n'hésite pas à se la jouer lyrique sans pour autant être ridicule.

On pense pas mal au Desertshore de Nico pour cette voix dénudée et acérée comme du quartz (c'est d'ailleurs sur ce disque que figure « Je Suis le Petit Chevalier » chanté par son fils, Ari, troublantes coïncidences). Les quelques sonorités synthétiques rappellent aussi le The Healing de Todd Rundgren, album dark composé sous l'influence de la Kabbale. On pourrait continuer de retracer sans peine le cheminement qui mène à ces belles pièces funéraires et hypnotisantes mais le mieux reste sûrement de vous laisser les apprivoiser. Ça ne se fera sûrement pas à la première écoute mais la persévérance est souvent mère de réussite, comme vous l'avez désormais compris en fréquentant ces pages.