M. Geddes Gengras a un nom à la hauteur de sa remarquable inconstance et de sa singularité. Elevé au hardcore et au bon grain du Connecticut, il a commencé à jouer de la musique simultanément dans des groupes de punk locaux et en bricolant dans sa chambre avec un Moog acheté sur eBay.
Puis quand il a débarqué à L.A. au milieu des années 2000, il a tout de suite connecté avec la bande de vrais faux freaks bariolés de Not Not Fun et à jouer dans peu ou prou tous les groupes de ses piliers Amanda Brown (Pocahaunted, La Vampires...) et Britt Brown (Robedoor, etc.). Il s'est ainsi rapidement brodé une réputation de sideman de choix au sein de la scène hipster expérimentale, du genre capable de produire les potes aux petits oignons autant que de rajouter une couche de chaos dès que l'ennui de la norme commence à se faire sentir. On lui doit une plâtrée d'opus solo en triple cassette ou quintuples CD-R mais la première fois qu'on a eu envie de retenir son nom, c'était pour un projet de reggae expérimental enregistré en Jamaïque avec Sun Araw et les Congos, l'excellent Icon Give Thank. Aujourd'hui, il est devenu un nom incontournable de l'underground synth/noise californien, mais on ne sait toujours pas comment qualifier ce qui fait sa singularité.
Ça tombe bien: ça nous pousse à redoubler d'efforts pour presser l'essence un peu cachée de la musique minimale, non-figurative et farouchement discrète qu'on peut entendre sur Ishi, son nouveau magnum album à sortir sur Leaving/ Stones Throw. Nettement influencé par le new-age synthétique très en vogue en Californie au début des années 80 (notamment le passionnant Michael Stearns), Ged Gendras débarrasse sa musique des derniers oripeaux qui maculaient encore son Test Leads de 2012 et fait un disque synthétique radieux et presque propret, qu'on aurait vite fait de confondre avec un déballage de papier peint branché.
Tout se cache de fait derrière le titre, qui n'est pas du Japonais mais le nom du "dernier Indien sauvage" d'Amérique du Nord, qui aurait vécu une grande partie de sa vie en solitaire dans les forêts de Californie du nord après le massacre de sa famille par des chercheurs d'or et dont on a découvert l'existence en 1911, alors qu'il avait 49 ans. Comme beaucoup de beaux disques, c'est donc un disque réflexif sur l'activité de l'art à la marge, et l'étrange sentiment d'isolement et de claustration qu'on peut ressentir quand on est un musicien indépendant dans l'Amérique contemporaine (surtout quand on préfère dérouler des drones au modulaire plutôt que fabriquer des drops pour farcir les oreilles des masses juvénile). On conseille chaleureusement à nos lecteurs accrochés par cet extrait d'aller faire un tour sur XLR8R pour écouter Ishi en entier.
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