Longtemps enfoui sous une foultitude d'autres incunables oubliés de la musique synthétique du début des 80s, Heliograms se distingue d'abord par ses attributs techniques (à l'époque) rutilants puisqu'il fut conçu sur quelques-unes des stations de recherche synthétique numérique les plus avancées de son temps: la Samson Box de Peter Samson et le système POD de Barry Truax, deux machines barbares super tricardes à utiliser et boostées au nec plus ultra de l'informatique de l'époque.
Compositeur chercheur formé à la bande et aux ciseaux, le Canadien Jean Piché faisait à l'époque des heures sup' de laboratoire entre Stanford en Californie et la Simon Fraser University de Vancouver. C'est là, à la lueur faiblarde de son Hewlett Packard 2116, qu'il a sué sang, eau et équations de Poisson pour faire naître Heliograms. Edité en catimini en 1982 sur un label canadien de musique contemporaine, il ressort aujourd'hui via Digitalis auréolé d'un statut grandiose: l'une des toutes premières oeuvres discographiques à avoir été conçu (presque) intégralement sur synthétiseurs numériques. Rappelons que le fameux DX7, premier synthétiseur grand public à intégrer la synthèse par modulation de fréquences qui allait bientôt retourner la pop sur la tête, n'est arrivé en magasins qu'un an plus tard.
Mais ce qui nous intéresse en premier dans cette oeuvre à la fois datée (nous sommes à l'orée de l'explosion New-Age sur les stations FM) et diablement belle, c'est le torrent d'odeurs et d'images que ses séquences tournoyantes et matières brillantes irriguent immédiatement dans le cerveau nostalgique. A quelques blocs de souvenirs près, c'est exactement le territoire onirique, chromé-ensoleillé, que Daniel Lopatin oeuvre à ressusciter avec Oneohtrix Point Never. Quelque chose dans cet entretien de Piché avec le Creators Project US nous dit qu'on ne délire pas totalement:
"There is an insert text that accompanied the original release of Heliograms—which, for production considerations we decided to leave out of the new edition. The text describes where I was emotionally when I was in my mid-to-late twenties. Images of very late nights morphing into early mornings, driving back from suburban institutions in my old MGB. There was an entirely new concept of musical time making its way into the age, time slow and contemplative on the edge of the Pacific. The music of Heliograms was informed by these images and I am grateful it still transports me there."
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