"Le temps est à l'orage. De quoi faudrait parler, en fait? De la disparition... ". On a perdu Jacques Thollot: dernière syncope, accident mortel, pour l'un des personnages les plus intrigants et fantasques du pays-jazz français, parti trop tôt les poches pleines de toutes les musiques qu'il lui restait encore à faire.
Alors, certes, voilà une trajectoire hors-pair, depuis cette jeunesse d'enfant prodige passée dans les caves bop de Saint-Germain jusqu'aux années free et aux cinq albums cultes. Compagnon de route de Barney Wilen et Don Cherry, il essaime de Portal à Pauvros, d'Eric Dolphy à Michel Roques... Connexion logique, aussi, avec le cas Berrocal, incursions dans la BO pour les sessions des dromadaires de Chris Marker ou Le Départ de Skolimowski, composé par Komeda, adepte des mystères, des substances et des disparitions publiques... Mais avant tout, un caractère, une trempe comme on n'en voit plus beaucoup. Il faut bien regarder les trop rares photos d'époque pour mesurer à quel point celui-ci irradie, crame littéralement le négatif bien loin des poses et de la mode. Et bien voir tout autant la façon dont il continue d'habiter chacune de ses dernières apparitions filmées - hallucinant portrait pour la chaîne Mezzo - cabossé mais vivace, l'esprit joueur mais le mot juste.
Alors, n'oubliez jamais: "Quand le son devient aigü, jetez la girafe à la mer". Thollot nous laisse en héritage une œuvre hybride, où l'élégance de l'écriture et les incursions free le disputent aux très riches heures du bruitisme dans des assemblages explorant plus loin et plus profond que les trois quart de l'actuelle production avant-rétrograde. Alors, une fois de plus, tant pis pour ceux qui du jazz se tiennent à carreau. Le son de Thollot, il résonne encore: c'est ce qu'on appelle l'éternité je crois.
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