Un peu d'eau au moulin de nos amis chauvins: cette première sortie du trio Jac Berrocal / David Fenech / Vincent Epplay constitue non seulement la deuxième référence de Blackest Ever Black produite par des ressortissants français après l'In Advance Of The Broken Arm de l'ami Tomas More sous pseudo December, mais le débarquement en masse sur l'un des labels les plus chébrans du moment de 3 vétérans parmi les plus engagés et résilients notre fier underground parisien: le légendaire trompettiste Jacques- Antoine-Jean- Evariste Berrocal, pilier éternel de l'underground free jazz français depuis le début des années 70 dont la carrière monumentale mériterait un livre en 3 ou 4 volumes, l'hyperactif David Fenech, collaborateur de Ghédalia Tazartès ou Jad Fair dont le premier album vient de reparaître sur le Gagarin de Felix Kubin et le passionnant Vincent Epplay, artiste visuel, musicien conceptuel et collectionneur de sons étranges qui vient d'offrir, c'est un hasard total, une magnifique mixtape à notre série de Dronecasts.
Vincent Epplay, David Fenech & Jac Berrocal - In my Room - Centre Pompidou
05:45
Résultat de trois années de recherches, improvisations
in situ et performances qu'on serait bien en peine, c'était la moindre des choses à attendre de ces trois là, d'étiqueter voire de simplement situer sur un nuancier de couleurs,
Antigravity s'insère pourtant comme un charme dans le catalogue plus-noir-tu-meurs de
Kiran Sande. La grande différence d'avec le tout venant
dark qui s'y déploie ailleurs, c'est que sa noirceur est pleine de teintes et de densités différentes, pleine de couleurs si l'on ose dire. Entre free electronics, vapeurs de jazz modal et bande-originale de film noir au troisième ou quatrième degré, la musique triturée par le trio avec ses instruments et ses souvenirs refuse nettement l'abscons du tout abstrait mais le triangle qu'elle tente de tracer avec les trois trajectoires infiniment dérivantes et compliquées de ses trois membres ressemblent effectivement à un Triangle des Bermudes.
Relecture ectoplasmique et vibrionnante du sublime "Where Flamingos Fly"
dans la version canonique du grand Gil Evans, l'extrait ci-dessous c'est tout sauf un morceau de jazz, évidemment, mais surtout tout sauf un exercice pénible de déconstruction du genre qui peuple les étagères poussiéreuses du jazz contemporain. Plus humblement, c'est de la musique en suspension tout du long, furieusement actuelle et suffisamment aux prises avec le monde pour qu'on ose la qualifier de "pertinente". On est en tout cas aux anges que l'étiquette Blackest Ever Black lui promette d'être entendue au-delà de la niche un peu étriquée de l'avant-garde et de la musique improvisée.
Jac Berrocal, David Fenech, Vincent Epplay - Where Flamingos Fly