Il y a toujours eu une sorte de méprise et de fascination (les deux se mêlent souvent, me direz-vous) en ce qui concerne le rock australien et néo-zélandais. Passons sur les ardus chevelus qui auront composé la charpente mainstream du hard rock des années 70 et 80 ou sur le rock prolétaire punk ou FM (lesquels ont chacun donné aussi bien dans l'abomination totale que dans l'avant-garde la plus réjouissante).
Dans les années 80, à l'écart des turpitudes européennes et profitant d'un isolationnisme géographique à mi-chemin de la dureté urbaine et de la rudesse sauvage, le Dunedin Sound, du nom de la ville universitaire néozélandaise du même nom, s'appliquait quant à lui à délivrer des morceaux de délicatesse pop en réaction (ou en accommodation) à la brusquerie ambiante. De la musique d'étudiants bien mis, donc, chez qui la vigueur et le sens D.I.Y punk étaient passés par là et qui troussaient du même coup leur fragilité dans un écrin jangle pop délicat par ses intentions, mais âpre dans son exécution.
Les "gloires" de cette niche locale s'appelaient alors The Clean, The Chills, The Jean-Paul Sartre Experience, The Stones, The Verlaines, The Tall Dwarfs, parmi tant d'autres. Le label de référence s'appelait Flying Nun Records, regroupait peu ou prou tous ces jeunes gens et constituait la Mecque des post puceaux endimanchés férus d'aprèges byrdsiens et de griserie punk rock. On ne sait trop si c'est l'exotisme qui a primé sur le reste dans la relecture de l'Histoire, mais c'est avant tout eux que l'on a retenu.
Bien plus que le son Paisley Underground qui sévissait alors en Californie à la même époque et que l'on a maintenant un peu vite oublié (ce qui est bien dommage, les disques de The Dream Syndicate sont encore tous fabuleux), alors que ce dernier travaillait plus ou moins la même esthétique. De manière plus étrange encore que le son C86 et les costumes anorak qui allaient traverser l'Angleterre quelques années plus tard, et qui allait devenir une marque déposée assez convenue et qui ne fait plus rêver grand monde aujourd'hui. On ne sait si c'est par goût du pittoresque, ou qui provient d'une illusion qui nous fait nous raconter des histoires et fantasmer une herbe plus verte ailleurs, mais c'est surtout le Dunedind Sound, et la généalogie Flying Nun Records de manière générale, qui semble avoir gagné la mise aujourd'hui. De jeunes formations continuent de s'en inspirer aujourd'hui. Derniers en date, au hasard : Chook Race, The Goon Sax (qui poussent la filiation jusqu'à comprendre en leur sein le fils d'un des membres de The Go-Betweens), ou celle qui nous intéresse aujourd'hui, The Courtneys.
Que se passe-t-il plus de vingt ans après cet état de grâce lorsque ton groupe se retrouve signé sur le label qui a participé à fonder presque entièrement ton esthétique, tes fantasmes d'adolescents transi, les contours de ton identité artistique ? C'est un peu à cette question que tente de répondre The Courtneys, sympathique trio féminin en provenance du Canada qui a signé récemment sur Flying Nun et qui vient de sortir son deuxième album sur le label néozélandais, lequel est toujours en activité aujourd'hui mais s'emploie principalement à faire tourner ses vieilles gloires locales. Car on imagine que c'est une bénédiction à double tranchant dont sont pourvues les jeunes femmes : comment imposer son style tout en dépassant la vignette historique ? Comment éviter l'écueil de la déférence et dérouler ses morceaux pop sans tomber dans la singerie dévitalisée ?
La réponse est simple : par le mimétisme absolu, et la foi qui va avec. Le nouvel album de The Courtneys, le bien-nommé II, arrive pile poil au bon moment (c'est-à-dire n'importe quand) pour relancer une énième vague de sympathie autour de la chose indie pop et des maniérismes twee rock. Et avec ses deux singles irrésistibles donnés en pâture au post-ado qui sommeille en nous, leur musique ne nous dit pas autre chose que : la recette sera toujours grisante si l'ivresse est distillée avec assez de conviction. La différence, c'est qu'il faut y met un peu plus de cœur, un peu plus de nerf, un peu plus de corps que les autres.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.