Le nouvel album de Domotic s'appelle Smallville Tapes  (rien à voir avec Superman). Le parisien Stéphane Laporte continue d'y explorer des terrains sonores dont l'alliance n'appartient qu'à lui, quelque part entre indie pop, library music et synth music aquatique. C'est tout logiquement derrière les manettes du dernier Forever Pavot qu'il a fait des merveilles et c'est toujours logiquement qu'on vous adressera le même conseil pour apprécier ce nouveau bonbon méridional: oubliez les références, les questions de goût et la branlette intellectuelle. 


On t'avait quitté sur "Fourrure Sounds", deux disques sortis chez Antinote, qui restent la partie de ton travail qui se rapproche le plus de la musique club, électronique (absente ou presque sur Smallville Tapes)


L'idée de base de "Fourure Sounds" n'était pas du tout club. C'est un ami qui m'a parlé d'Antinote. Ca s'est fait super facilement. C'est eux qui m'ont demandé de changer de nom d'ailleurs car Domotic c'était trop old school (rires). Donc j'ai pris "Stéphane Laporte" (mon vrai nom). Mais j'ai l'impression que ça crée une certaine dichotomie alors que tous mes travaux sont solos et pensés un peu de la même façon. Quand j'ai commencé "Fourrure Sounds", je ne pensais pas du tout faire un disque. On travaillait sur un projet avec Egyptology autour de la musique concrète, et j'ai gardé ses recherches en tête quand j'ai repris le travail seul. J'ai une approche de composition finalement assez proche de la musique électronique: le contenu sonore prime. J'écris rarement un riff de guitare pour commencer par exemple. Mais j'essaie de ne pas avoir de méthodes précises que je déclinerai encore et encore. 


Tu aimes écrire sous une certaine contrainte?

J'aime attaquer par un bout inédit les morceaux " tiens je n'ai jamais commencé un morceau par la batterie" par exemple. 


Ce disque  a un côté très narratif je trouve.

Ce sont les titres des morceaux qui accentuent ça je pense. J'ai enregistré ces morceaux chez mes parents à La Ciotat après avoir acheté un 4 pistes. Je n'avais rien, juste un micro et un casque. J'ai enregistré sur des vieilles K7, d'où le côté un peu saturé parfois. En rentrant de vacances, j'ai réécouté tout ça et je trouvais ça pas terrible. Et puis un an après, j'ai trouvé ça beaucoup mieux que dans mon souvenir et j'ai déroulé ce fil là. C'est un peu par hasard car des disques pas finis j'en ai plein sur mon disque dur. 


Tu as pensé à cette mythologie du disque composé dans le Sud de la France, les Stones ou Nino Ferrer?

Un peu oui. Peut-être parce que j'ai fait les basses en maillot de bain. Je n'ai pas l'impression d'avoir travaillé le disque, il est apparu spontanément. Des fois quand tu fais de la musique, tu as envie d'épater les gens. Mais là c'est un disque dépourvu d'ego, je n'ai pas du tout eu envie d'impressionner. Les batteries qui sont la base des morceaux sont bancales, il y a des roulements ratés, mais je les ai gardé. Je me suis dit: "voilà la musique que je fais c'est ça". Je me suis retrouvé face à moi même. 


Ce qui m'agace un peu dans les disques que j'écoute en ce moment c'est cette façon de citer/référencer en permanence des citations qui sont toujours les mêmes.

Je vois ce que tu veux dire mais je me suis permis sur ce disque ce que je ne supporte pas chez les autres. Je ne me suis pas dit "ha c'est trop de Roubaix, trop Morricone. " Je me suis accepté, sans rien m'interdire. Après je n'ai pas le matos pour faire de la musique "musée". je n'ai pas de clavecin par exemple donc si je veux un son qui s'en approche je vais jouer les cordes de guitare près du manche. Ca sonne toujours un peu détourné. Mais c'est intéressant pour moi, je me retrouve à revisiter une forme qui existe déjà par un angle un peu contrarié. Après quand les autres le font je suis très critique mais là je me suis laissé faire (rires). Je suis plutôt client des "vrais trucs" donc tous les projets récents un peu ersatz m'agacent. 


Tu as des exemples d'ersatz qui t'ont mené aux "vrais trucs" comme tu dis?

Quand j'ai découvert Broadcast j'ai trouvé ça génial et puis quand j'ai écouté United States of America j'ai été scandalisé que Broadcast puisse exister. Ensuite j'ai compris la valeur ajoutée du groupe dans l'écriture notamment. Sur ce dernier album, j'ai l'impression de devoir pas mal de choses à Tortoise. C'est pas l'étiquette la plus sexy mais j'aime beaucoup le groupe.


Tu te situes où entre minimalisme et maximalisme?

C'est un combat de tous les instants. J'aimerais être minimaliste, c'est mon objectif à chaque fois mais ça marche très rarement. C'est très difficile pour moi de ne pas ajouter des choses sur un morceau. Pour moi l'élégance elle se situe dans cette capacité à faire un morceau avec presque rien. Je crois m'en être rapproché sur le 5e morceau du disque.


Et tu vas jouer ces morceaux en live?

Oui j'ai mixé le disque de Forever Pavot et Emile m'a proposé de faire sa première partie . J'ai pas envie de le jouer en électronique solo ou en guitariste chiant donc à presque 40 ans je vais remonter un groupe (rires). Je ne sais pas si ça va fonctionner. Mais cet album a beau être basé sur l'improvisation, il est très écrit. 


SMALLVILLE TAPES de Domotic est sorti le 24 novembre chez GONZAI RECORDS

Il sera en live solo le 26 janvier à la Maroquinerie et en groupe le 15 mars en première partie de Forever Pavot dans la même salle.