Composer de la musique afin qu'elle habite un espace, qu'elle fasse partie intégrante de

l'environnement dans lequel elle résonne, telle était la volonté de Hiroshi Yoshimura

lorsqu'il réalisait les morceaux de Music For Nine Postcards, son premier album sorti en

1982. Développé sous l'impulsion de Satoshi Ashikawa, le projet était destiné à être le

premier d'une série appelée "Wave Notation" et qui prendrait la forme de sound design, une quête d'amélioration du confort sonore de chacun. Les morceaux se doivent d'être

discrets, sans mélodie trop entêtante, juste ce qu'il faut pour flotter tranquillement dans l'espace. Affirmant que, contrairement au design visuel qui est constamment en évolution, le design sonore n'est pas assez pris en compte, Ashikawa désirait donner à l’ouïe l'importance qu'elle mérite. L'album est réédité pour la première fois en dehors du Japon par Empire of Signs, un label satellite de Light in the Attic. Cette sortie accompagne le début d'une série de compilations à thèmes qui brossent le paysage musical du Japon, de la folk des 70's à la City Pop en passant par l'ambient.

Inspiré par tout ce qui l'entoure et en particulier la nature, Yoshimura compose en

observant attentivement le mouvement d'un arbre, la forme d'un nuage ou les gouttes de pluies coulant sur une vitre. En bon contemplateur, rien ne lui échappe. Avec des titres comme "Clouds", "View From My Window" et "Dream", nul doute que l'on a affaire à une musique qui prend son temps et qui s'étale doucement dans la pièce comme une fumée invisible. Réalisés dans le minimalisme le plus total, les neufs morceaux de Music For Nine Postcards sont articulés autour d'une nappe de synthé à peine perceptible sur laquelle vient se poser délicatement une mélodie au piano Fender Rhodes au son à la fois métallique et cristallin. Les mélodies ont parfois la naïveté d'un novice qui tâtonnerait sur un piano sans vraiment savoir en jouer, donnant un côté presque enfantin à la pièce. Yoshimura ne compose pas seulement des sons, il s'attarde aussi à mettre en valeur les silences qui résonnent tout autant dans l'album.

Forcément, avec un tel projet il fallait un espace pour l'accueillir, et cet endroit, Hiroshi

Yoshimura l'a trouvé par hasard en pleine production de l'album. Il en était convaincu, le Hara Museum of Contemporary Art à Tokyo était le lieu parfait, avec son architecture Art-Deco mais surtout sa grande étendue de verdure et ses arbres. A sa grande surprise, le musée a accepté de passer Music For Nine Postcards en design sonore. Les visiteurs,

attirés par la beauté et la sérénité des morceaux, demandaient constamment où se procurer l'album qui était en train de dépasser son but premier, celui d'être entendu et non écouté. C'est de cet engouement inattendu qu'est sorti l'album sur un label créé spécialement pour l'occasion par Satoshi Ashikawa, qui sortira le deuxième volet de la série "Wave Notation" la même année.

Considéré comme un pionnier de la musique ambient, new-age et environnementale au Japon, Hiroshi Yoshimura est issu d'une génération de Tokyoïtes bercée par le mouvement Fluxus, une vague de musiciens expérimentaux inspirés par la musique concrète et les travaux de John Cage dans les années 1960. Au départ un mouvement artistique implanté à New York avec comme figures emblématiques George Maciunas et George Brecht , c'est le couple Yoko Ono/ Ichiyanagi Toshi qui se chargera de faire le pont avec le Japon. Diplômé de l'université de Waseda en 1964, Yoshimura est au cœur de ces grands remous sonores qui marqueront son travail par la suite. Plus qu'un compositeur, il est un artisan du son qui a créé autant de morceaux destinés à être joués sur une platine vinyle que balancés dans les enceintes d'un métro. On vous recommande évidemment d'aller jeter une oreille au reste de sa discographie mais Music For Nine Postcards est un bon début pour appréhender le travail tout en délicatesse de Hiroshi Yoshimura.

Music for Nine Postcards est disponible via Empire of Signs.