Le truc qui est coolio quand le festival que tu as créé avec tes potes prend de l’ampleur, c’est qu’il y a du monde, des gens curieux. Et puis, le moins cool, c’est que le festival que tu as imaginé en after devient un truc vaguement branché et il y a toujours ce moment de malaise : l’instant trikini. On se regarde alors tous un peu dépités. Ce truc c’est pas nous. Chez Moï Moï, on est plutôt Kro chaude que mojito, à la rigueur sex on the beach. Et puis, il y a eu cette sixième édition...
Mercredi. Pour que ce jour compte, rendez-vous sous la poissonnerie. Pour ces grandes retrouvailles, on a invité Mehmet Aslan, ses mixs te transportent en un Erdizka Lauetan de Donibane à Ankara. S’en suivront les pépites suaves de nos cousins lyonnais les Sheitans Brothers : ils sont venus célébrer avec nous leurs noces de coton de mix commun. Ça sent la moule, ça sent la bière. On est heureux.
Jeudi, on se téléporte dans des contrées sauvages et transcendantes avec Fumaça Preta et High Wolf. Paranoid London bombarde non sans délicatesse ses bombes acides house sur Duconténia. Ximista, le nouveau live d’Odei est plus chamanique que jamais. Ximista ça veut dire l’éclair… On a peut-être un peu cherché la merde.
Vendredi. À la fin des précédents Baleabeach, en regardant les photographies, j’avais toujours le sentiment d’entretenir ce truc naze de Baskifornia : des meufs trop bonnes, des mecs trop bonnes, face à la mer c’est le fantasme du spring break pour adulte. Seul le live de Rone lors de la troisième édition valait le coup de jeter son dévolu sur ces Baleabitches. Et puis cette année, on a dégoté le lieu de rêve, le fantôme d’une piscine au bord de l’océan. Le crew Antinote était juché, grand bassin, au sommet d’une palombière. Ça sentait plus le Berlin de mes dix-sept ans que les plages corses. Bonheur.
Le soir, (on est donc vendredi), Flavien Berger distribue des lunettes/LSD au début de son concert. L’infini colorimétrique s’offre alors à nous, les contours de son live sont indéfinissables. En l’écoutant, je me remémore que j’ai rencontré Flavien il y a plus de dix ans dans une école d’art à Paris. Aujourd’hui, il joue sur la scène du festival qu’on a monté avec mes meilleurs potes: « c’est l’essence même de Baleapop ce truc ». Jessica93 s’électrise et plane tel un aigle royal sur les trombes de Duconténia jusqu’à faire péter les plombs du parc. La soirée se clôture par Acid Fortwins. Ces gars sont fous, les Baleapoppers sont fous, souriants, épanouis, ravis, ruisselants, sous la pluie. À partir de ce moment-là, Baleapop ne sera plus jamais le même. On ne communiera plus avec le soleil mais avec la pluie. Baleachiotte.
La pluie, c’est beau, c’est la vie. Pourtant, on s’est quand même inventé une divinité censée la repousser : le Dieu Moï Moï (un mec qui ressemble de près ou de loin au Père Fouras portant une cape en buvards). Mais il y a un truc que nous n’avions jamais imaginé, c’est que la pluie a l’incroyable vertu de transformer tout évènement branché/artistico/bobo en teknival. De la boue, des sacs-poubelles, des bottes, c’était sale et ça nous a bien plu. Ça ressemblait aux teufs qu’on faisait ici depuis notre adolescence. C’était assez extrême, on n’était pas du tout préparé à ramasser à ce point-là, mais c’était le moment. Et finalement, c’était marrant.
Le samedi soir, Baleablock, on squattait les bars de St-Jean. Pour la première fois, j’ai vécu une soirée comme une vraie Baleapoppers : sans rien glander. Première fois oblige, les souvenirs sont flous, je me souviens avoir passé une bonne partie de la soirée fascinée par la climatisation de la salle du fond du Corsaire, c’était mieux que Dieu. Débordement d’amour.
Dimanche, la journée commence par le Minibalea : des enfants déguisés en monstres sousmarins qui font de la techno. En regardant leur show (Katy Perry et la mi-temps du Super Bowl semblent sans saveur), la clim de la veille se rappelle à nouveau à moi. Ils seront suivis par Peaking Lights Acid Test. L’acid, c’est vraiment un truc du dimanche, on devrait s’en taper chaque semaine entre trois Hosanna. Et puis, enfin, Young Marco, ce génie. Le mec, c’est le spectacle son et lumière des pyramides de Gizeh à lui tout seul. Finalement, arrive le moment fatal du dernier concert : le Moï Moï Band. « En repet’ on s’est bien dit de bien s’écouter hein, de pas en faire trop ». Les Moï Moï boys ne tiendront pas promesse, leur live est aussi délirant que majestueux, Txomin joue les guitar hero. Je crois qu’à ce moment-là, ils sont tous bourrés de toute manière.
Et puis ça s’est fini comme ça, dans un feu d’artifice de boue. Les jambes étaient tellement lourdes, on se trimbalait la moitié du parc sous nos bottes. On était crades mais heureux. Baleapop #6 nous a mis une grosse claque : on aura rêvé au moins pour quelque instants à la naissance d’une rave.
Manon Boulart
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