Quand Brian Eno a annoncé son retour discographique via Warp en fin d'année dernière avec un nouvel album intitulé Reflection, on s'est mis un peu à rêver, on vous le confesse. On s'est dit, sans doute un peu naïvement et hâtivement, qu'il allait laisser tomber les collabs avec Coldplay et Damon Albarn, les tribunes de soutien à Jeremy Corbyn (qui n'a sûrement pas besoin de lui) ou encore la confection d'applis absconses, pour se concentrer sur sa propre musique et nous rappeler qu'il était sans doute l'un des inventeurs de formes et de tessitures sonores les plus fascinants de la seconde moitié du XXe siècle - peut-être même plus encore qu'au niveau de son travail de producteur et de chasseur de tête inspiré.
Ajoutons à cela le fait qu'il présentait la sortie de Reflection comme la suite de son chef-d'œuvre d'ambient Discreet Music (1975), que son dernier album en date, The Ship, sorti l'année dernière, avait tout l'air d'amorcer un véritable retour en grâce, et il n'en fallait pas plus pour titiller nos papilles gustatives d'impatience bien goulue.
Après avoir présenté le disque à travers un message des plus cryptiques, mêlant histoires de cow-boys, de pièces génératives et de la conception contemporaine élastique de la musique ambient, Brian Eno a réitéré en toute fin d'année avec des vœux oecuméniques adressés aux engagés de tous poils, et enjoignant les plus pessimistes d'entre nous à ne pas baisser la garde face à la déliquescence de la question sociale et de l'état préoccupant de l'appareil politique de manière générale.
En ce sens, il n'est pas totalement surprenant de voir que Reflection se place du côté du réconfort, plutôt que de la remise en question formelle - bien que le disque entier ne se déploie qu'en une piste d'une heure. D'ailleurs, l'album a selon les dires de Brian Eno été composé grâce à une technique "générative", à l'aide d'un de ses propres logiciels permettant à la musique, pour le dire très vite, de s'écrire toute seule à l'aide d'algorithmes une fois sa charpente établie. Pour ça, Eno choisit de tout miser sur la répétition de la musique, laquelle modifie constamment son cours d'eau, tout en restant la même, un peu, comme l'homme le dit lui-même, lorsqu'on "s'asseoit près d'une rivière". En résulte un album au final plus casanier que véritablement contemplatif : on en admire la charpente sonore brillante, les questions qu'il génère sur le statut d'auteur et de processus créatif, mais on n'arrive pas vraiment à le pénétrer ni à s'en saisir, son apaisement douillet s'avérant sur la longueur paradoxalement inhospitalier et inhabité.
Le nouvel album de Brian Eno, Reflection, est sorti le 1er janvier sur Warp Records. Il est en écoute en entier ci-dessous via Spotify :
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