D. TIFFANY "Charmed" (Cacao)

Chaque semaine qui passe amène son lot de morceaux de house crado, de productrices de house surdouées et de labels K7 avec des noms rigolos. Découverte via l'indispensable 1080p de Vancouver (décidément un hot spot pour la house de blanc en ce moment), D. Tiffany, dont le vrai nom, on le dit en passant, est le plus poétique découvert ces derniers temps (Sophie Sweetland - Sophie Sweetland!), mitonne des soupes mi-jackin' mi-poétique dans laquelle elle verse toutes sortes d'éléments hétérogènes, riffs acid house survener, eau de pluie ou pâte à pancake. Sa nouvelle cassette s'appelle "Smudge" (tâche, coulure) et c'est évidemment très à propos.

Steve Lawler "That's House" (Play It Say It)

La semaine dernière,  on évoquait via DJ Pierre et Ricardo Villalobos cette tradition ancestrale de la house qui consiste à poser et reposer sans cesse la même question essentielle: "mais c'est quoi la house, en fait?". Steve Lawler, de son côté, fait partie de cette petite secte d'illuminés qui s'imaginent en relation directe avec le Créateur et qui mettent les deux pieds dans le plat en tenant y repondre, et ce malgré le fait qu'ils évoluent dans l'environnement étrange de la tech house. Offert en pâture au label de Seth Troxler, "That's House" est très exactement la version idéalisée (donc largement salopée) de la house Chicago par un gars qui ne doute de rien - et le pire c'est qu'il nous aurait presque à l'énergie et à l'enthousiasme. J'ai bien précisé "presque".

 

Takuya Matsumoto "EKR'S Galactic Dance pt1" (Clone/Royal Oak)

Un lieu: l'île de Naoshima, si possible un jour ensoleillé de la fin novembre, où il fait juste assez chaud pour tomber le manteau entre 11 et 15h. Un plat: un bol en styrofoam rempli d'oden, ce pot au feu roboratif rempli de légumes merveilleux et de pâté de poisson moulé dans diverses formes toutes mieux pensées les unes que les autres pour être attrapées avec des baguettes par des tout petits enfants et des occidentaux peu expérimentés. Une compagnie: je vous laisse remplir cet endroit du texte avec la personne de votre choix. Un état qui résulte de l'addition de tout ça: le bonheur dans son plus simple appareil, plein et velouté, du genre dont la simple évocation agace les gens sur Internet et mon analyste quand il est mal luné.

Sonofdistantearth "Gaza2" (Lobster Theremin)

Que lis-je? Qu'entends-je? Un morceau de house d'entrepôt qui s'appelle "GAZA2"? Un specimen de house engagée?  Un enfant spirituel de Muslimgauze décidé à répandre la bonne parole via la techno? Ou alors la posture est plus ironique, plus complexe, et ce newcomer débarqué d'on ne sait trop où serait un énième manipulateur de signes et de hashtags décalés élévé au bon grain des forums d'Internet et à la lecture de feu Hipster Runoff? Affaire à suivre.

Dro Carey "Club Injury Handbook" (Greco-Roman)

Etrange trajectoire que celle de Dro Carey: il y a deux ans, cet Australien élevé en fut d'eucalyptus signait des galettes pleines de bruit et de poussière pour Opal Tapes, l'année dernière, il sortait des bizarreries post dubstep sur Ramp et aujourd'hui il balance une grosse badasserie grimesque sur Greco-Roman, danseuse dance de la bande Hot Chip / Totally Extinct Enormous Dinosaurs... De là à dire qu'il bouffe à tous les rateliers, il y a un seuil qu'on ne franchira pourtant pas parce que de fait, "Club Injury Handbook" reste un hybride qui ne ressemble à rien. Pour l'efficacité en contexte, attendons d'entendre ça dans un set de Ben UFO.

Bambounou "Onto This" (50WEAPONS)

Il fallait au moins un Parisien signé sur un label berlinois  pour oser un truc comme ça: un grosse bûche UKG membrée comme du Armand Van Helden et grimée comme la plus fruste des saloperies speed garage de la création. C'est super.

Marco Zenker "Lubiana" (Ilian Tape)

Dans la droite lignée des premiers maxis de Call Super ou du superbe split Healing Force Project / Willis Anne sorti conjointement par Berceuse Heroïque et Nous il y a quelques semaines  (on en parlait dans le Panier de crabes #48), le plus beau morceau du plus beau maxi sorti sur le label munichois Ilian Tape cette année fait mine de mimer l'ultraviolence avec un mur de kicks en parpaings pour mieux nous piéger dans un marécage psychédélique où il n'est finalement question que de sirènes sensuelles, de bonbons à l'anis et d'animaux mignons. Y a même pas à discuter, on sait que le son fera date et que des geeks y reviendront encore en 2023 exactement comme ceux de 2014 reviennent progressivement mais sûrement aux premiers Porter Ricks.

Linkwood "Object" (Firecracker)

Rien à dire sur ce truc à part que c'est très beau et ça nous rappelle de bien beaux souvenirs de cette époque où l'on guettait toutes les sorties Soma Records et tous les disques de Jori Hulkonnen avec passion. Rappelons qu'alors, le petit peuple était brave, les hommes politiques étaient pleins de sollicitude pour leurs concitoyens et que le soleil brillait sur le monde occidental au moins 220 jours par an. 

Theo Parrish "Be In Yo Self (feat. Ideeyah & Duminie Deporres)" (Sound Signature)

On se devait bien sûr de mentionner ici la sortie du nouveau longplayer de Maître Theo, le très joliment titré American Intelligence. Deux choses nous embêtent tout de même: la somme incroyable qu'il faut débourser pour l'acquisition de la galette (40 euros pour le CD, 50 pour le LP) et le beat révoltant de l'extrait ci-dessous, qui mettra à rude épreuve les nerfs de n'importe quel organisme normalement constitué. 

Reagenz "Tc" (The Bunker New York)

David Moufang (alias la légende vivante Move D, présentement actif avec Juju & Jordash sous le nom de Magic Mountain High) et la grosse tête ambient Jonah Sharp en roue libre deep, deep house improvisée et c'est idéal - parce les mecs sont rien de moins que les cadors de la deep, deep house improvisée. Comfy comme la banquette arrière du vieille volvo.