Sauf erreur indigne de ma part, aucun média anglo-saxon d'envergure n'a vraiment parlé de cette sortie en avance et c'est très bizarre: comme dirait ce brave Michel Ciment, Eugene Ward fait partie de ces artistes de l'underground électronique actuel qui pour une raison ou une autre ont "la carte" et qui sont previewés/premièrés/chroniqués/podcastés quoi qu'ils pondent et quelque soit le blaze derrière lequel ils se cachent; jusqu'ici très apprécié pour ses diverses embardées techno-qui-grince sous les pseudos Tuff Sherm ou Dro Carey (grosse discographie éparpillée sur Opal Tapes, Merok, Reckno, Greco-Roman, The Trilogy Tapes, Ramp, Templar Sound...), l'Australien tombe donc le masque pour la première fois mais ne fait pas de boucan dans les gazettes qui comptent. Doit-on s'inquiéter pour le futur de sa carrière?
Paint en Pointe | Printed Matter (Large Group)
06:40
En fait, non, tout se passe dans l'ordre des choses:
Paint en Pointe n'est pas
"le premier album de Dro Carey sous son nom" mais un projet parrallèle qui révèle la face très logiquement la moins médiatisée de ses activités. Edité ces jours sur
Where To Now?, très beau label cassette / LP qui a eu les honneurs de publier
la première cassette de Tomas More sous le nom de December,
Paint en Pointe réunit divers
travaux composés dans le cadre très strict d'une résidence à la galerie
Spot81 de Sydney où Ward a composé des musiques spécifiques pour le chorégraphe Patric Kuo et sa troupe de 16 danseurs.
A l'instar des
musiques de Cristian Vogel pour Gilles Jobin ou des
musiques pour la scène de Charles Cohen, cette musique pour la danse n'a donc que très ponctuellement quelque chose à voir avec la dance music, jouant des grooves, des silences, des ruptures, des pulsations et des non-pulsations pour propulser des mouvements autrement plus complexes que les gigotements de paon / de belle qui sont la norme en boîte de nuit.
Paint en Pointe | Printed Matter (Solo)
06:04
Proto-jungle, drones divers, nuages acousmatiques, bruits de bouche ou portes qui grincent en cadences,
Paint en Pointe est donc plein de machineries plus ou moins bien articulées, plus ou moins bien huilées, qui ont toutes l'air de faire découvrir une facette inédite de Ward le producteur de house azimutée, mais qui aident surtout à y voir plus clair dans la manière dont il déconstruit la dance quand il pousse les beats sous les blazes Tuff Sherm ou Dro Carey. C'est très bien / c'est très beau, ça rend surtout le mec un cran plus loin plus intéressant, un peu plus épais. Comme quoi,
la carte, elle ne s'achète pas en ligne sur une page cachée de Beatport ou en glissant un billet aux cerbères de Hardwax qui en aurait toute une caisse cachée derrière le comptoir.