(c) Martin Krueger
White Fence, le projet plus ou moins solo de l'Américain Tim Presley, est un peu le pendant tarabiscoté, cinglé, imprévisible (en un mot : psychédélique - ça y est je l'ai sorti dès la première phrase) de son comparse Ty Segall. Les deux étaient d'ailleurs inséparables à une époque, collaborant ensemble, se produisant l'un l'autre, tournant dans les mêmes formations : ça a notamment donné l'album Hair en 2012, qui n'est pas loin d'être le meilleur des deux confondus. En ce sens, c'est un peu à l'aune de la complicité qu'il faudrait le mieux considérer le cas Presley.
Depuis la fin des années 90 (oui, le type a un peu plus de bouteille que les autres), l'homme enchaine les gigs comme les perles, les collaborations en tous genres et les disques sortis à un rythme effréné, mais ne s'était jamais totalement aventuré en solo. En tout cas, jamais sous son nom de naissance, trop occupé qu'il fut à se cacher derrière des noms d'emprunt pour mieux s'amuser avec ses copains (ou avec l'autre taré de Mark E Smith - Presley a officié comme guitariste du groupe de post punk anglais autour de 2007, et comme les seconds couteaux jetables engagés par l'irascible leader de The Fall, il n'y est pas resté bien longtemps).
(c) Angel Ceballos
Mais alors que Segall s'est distingué par un stakhanovisme et une mainmise omnipotente qui se sont rapidement apparenté à une certaine forme d'embonpoint et de presque traditionalisme en n'ayant pas peur d'aller ratisser jusqu'au rock à la papa et l'heavy punk pas très heureux (en tout cas jusqu'à son dernier album Emotional Mugger, bizarrerie synth à la Royal Trux paru l'année dernière et dont on vous avait fait la chronique VHS ici même), Presley s'est quant à lui toujours distingué par un sens astucieux du revirement et de la pirouette, qui l'ont vu collaborer aussi bien avec Cate Le Bon ou Kevin Morby sur de la pop la plus classiciste, les Strange Boys pour l'aspect garage régressif et crottes de nez, mais aussi distribuer Jessica Pratt via son propre label Birth Records, tout en sortant de son côté les disques les plus bizarres entendus dans le circuit rock garage de ces dix dernières années (on pense notamment à son réjouissant projet W-X sorti sur Castle Face l'année dernière).
Sur son premier véritable album solo donc, The WiNK, qui sort chez Drag City à la fin de la semaine, Tim Presley s'autorise à franchement sortir du bois tout en restant dans la perspective White Fence du pas de côté et de la malice (The Wink, donc : clin d'œil pour les non anglophones). La voix haute, presque fausse, rappelle par endroits un Robert Wyatt jeune, tandis que l'instrumentation serpente sur une voie psych prog pop qui évoque définitivement une certaine idée de l'école de Canterbury. À l'écoute du disque, on ne comprend pas très bien pourquoi Tim Presley n'a toujours pas atteint pas le niveau de reconnaissance de ses petits camarades (John Dwyer ou Ty Segall en tête), tant le type semble depuis toujours multiplier les bons choix et les coups d'éclat. Et puis on se dit que sa musique, bien qu'elle soit tout aussi inventive (si ce n'est plus) que les autres, est bien trop élusive, insaisissable et ambivalente pour obéir aux canons "pitchables" de l'époque. Ce qui ne l'empêche pas - c'est même ce qui lui permet - d'être toujours passionnante.
À noter que Tim Presley passera par Paris le 18 novembre prochain à l'Espace B (toutes les infos sont disponibles ici). Son premier album solo, The WiNK, sortira quant à lui le 16 septembre chez Drag City. Le premier extrait éponyme "The Wink" est en écoute ci-dessous :
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