Confessons d'abord notre coup de coeur: Sourdure nous est tombé dans l'oreille à très fort volume, dans le studio souterrain de Rinse France où nous tenons une émission toutes les deux semaines, un soir d'hiver où nous recevions Benjamin Caschera pour discuter de La Souterraine et de son premier festival où Sourdure s'apprêtait justement à se produire et le choc fut aussi puissant qu'instantané.
On connaissait déjà Ernest Bergez de réputation (il fait l'ingé-son pour plusieurs groupes affiliés à Standard In-Fi et La Nòvia et il collabore en concert avec Amédée de Somaticae) et pour ses activités avec Clément Vercelletto dans le duo techno crapouillot Kaumwald (en attendant leur prochain disque chez In Paradisum, réécoutez donc leur superbe Hantasive, chez Opal Tapes ou leur excellent Dronecast), mais rien ne laissait présager quelque chose d'aussi fort de goût et fort de forme...
Soit une proto techno de transe, très aguerrie au bruit et finement polie dans toutes les fréquences, pourtant taillée dans le plus inattendu des matériaux musicaux, "les musiques et danses traditionnelles du Massif Central (et du monde occitan par extension)", que Bergez fait vivre, revivre et chavirer autant par la manipulation de sons concrets et de modules électroniques "branchés entre eux selon de complexes itinéraires de câbles" que par le chant plus ou moins traditionnel plus ou moins personnel et le violon.
Sans aucun cahier des charges conceptuel ni plan topographique en poche, il débroussaille ainsi un territoire impossible entre l'ambient noise et la musique traditionnelle auvergnate qui fait quelque chose de très troublant autour de l'occiput. En live, par exemple, ça ressemble à ça:
Et sur disque, c'est très produit, plus sensuel, et (c'est notre avis) encore un peu plus excitant. Alternant ritournelles antédiluviennes chantées plus ou ou moins plain-chant, plus ou moins dedans ou dehors le boucan, accompagnées de bourdons plein d'accidents et de cadences jouées du bout du pied et plages électroniques très abrasives émergées de la nuit des temps, Sourdure fait la plus énigmatique des propositions apparues dans le champ de la musique électronique française depuis longtemps - les collègues de Noisey parlent de "Vatican Shadow de la musique traditionnelle auvergnate", et faute de mieux, on accepte pour le moment la formule.
Comme il sort très bientôt ce qui s'apparente à son premier album, La Virée, sur l'indispensable Tanzprocesz et qu'il passe en concert à Paris samedi avec Gratuit et Mohamed Lamouri, on s'est ainsi dit qu'il était temps ou jamais de vous parler de lui un peu en détails. Dont acte, avec deux extraits de La Virée en écoute en attendant d'avoir l'album entier, dont le fabuleux "Les quinze segments" qui, ça boucle la boucle, est le morceau par lequel on a découvert le gaillard (cf. le premier paragraphe de cet article). Et repassez vite (par exemple demain) si ça vous emballe, parce qu'il nous a aussi enregistré un Dronecast.
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