Une guerre fait rage chez les producteurs de musique électronique contemporains. Heureusement pour le déficit de la Sécu, elle ne se fait pas avec des glaives ou des crans d'arrêt mais avec des magnétos 4 pistes et des softwares crackés. Son but? Qui saura le mieux faire glisser la crasse sur nos tympans. Son origine? Une mystérieuse domination esthétique du sale et de l'érodé dont on se passera d'entamer l'analyse dans le présent article parce qu'on sait à l'avance qu'elle aboutira à l'éclosion de phrases longues comme des paragraphes et de gros mots théoriques.
Sous la triple influence des saloperies disco remasterisées à la truelle, de la house noisy façon 100% Silk ou L.I.E.S. et du gros son surcompressé à la Actress, on ne compte plus en tout cas les jeunes producteurs qui foncent chercher leurs matières sonores sur Youtube, sur VHS ou sur cassettes de seconde main pour donner aura et épaisseurs à leurs bricolages plus ou moins inspirés.
Mais même parmi les wannabe garagistes d'Opal Tapes ou Not Not Fun, l'Irlandais The Cyclist (également connu sous le nom de Buz Ludzha) fait figure d'extrêmiste. Son site officiel s'appelle "Tape Throb Culture" ("culture de la palpitation de bande"), son instrument préféré est un 4-pistes Tascam et sa musique électronique volontiers sampladélique, bourrée de références et de matières instables, donne surtout l'impression qu'elle est composée au moins pour moitié (voire aux deux tiers) de souffle, d'accidents et de poussière.
Super fat mais super lo-fi, efficace mais explosé de partout, son Flourish qui vient de sortir sur le label hip-hop All City Records nous est vendu par les spécialistes comme un album de house expérimentale de plus - et de fait, les stabs acid house, les beats et les breakbeats abondent - mais pourrait tout autant être étiqueté "noise postmoderne", tellement ses riffs et ses basslines menacent sans cesse de se dissoudre et de s'écrouler sous leur propre poids. Apparemment, dans les milieux autorisés, on va jusqu'à parler de l'émergence d'un nouveau genre de dance et d'un nouveau nom pour le désigner: le "tape grunge rave". Ce qui nous permet de rappeler au lecteur qu'avant d'être un sous-genre populaire du hard FM, le grunge désigne la crasse qu'on a entre les orteils.
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