Parmi les faits étranges qui concernent le mythique film italien Cannibal Holocaust, il y a la joliesse éternelle du thème musical qu'on peut entendre pendant son générique.
Signé Riz Ortolani, mousquetaire de la b.o. italienne disparu en janvier dernier auquel on doit quelques b.o. éternelles comme celles du Fanfaron de Dino Risi ou La Longue nuit de l'exorcisme de Lucio Fulci, il semble jouer le même rôle grimaçant que le générique easy et enjoué arrangé par Morricone pour le Salò de Pasolini - en pire.
On ne va pas vous faire l'affront de vous raconter une énième fois les controverses et légendes urbaines qui continuent à conférer au film de Ruggero Deodato son statut de moment-limite dans l'histoire du cinéma d'horreur (sans parler de la veine joyeusement dégueulasse qu'il a momentanément suscité dans le cinéma d'exploitation européen), mais rappelons sommairement que le désagréable sentiment d'avoir affaire à un véritable snuff movie subsiste encore à la revoyure 35 ans plus tard et que la musique d'Ortolani, à la fois complexe, distanciée et étrangement ironique, favorise sans doute autant l'intense malaise qu'il suscite que la cruauté de certaines scènes et la crudité graphique de l'image.
Maestro du décalage subtil, Ortolani s'est d'abord fait connaître au début des années 1960 en signant la musique du terrible Mondo Cane de Cavara, Jacopetti et Prosperi, vrai faux vrai documentaire présentant diverses pratiques rituelles tournées aux quatre coins du monde supposées "choquer" le spectateur occidental. Pour son descendant Cannibal Holocaust, il redouble d'ironie, de chausse-trappes et d'invention sonique - funk salace, bidouilles de synthé, explosions de dissonance - sans jamais lâcher ce sentimentalisme surjoué unique de la musique de film italienne forcément cruellement déplacé dans le contexte du film gore le plus controversé de tous les temps.
One Way Static Records et Death Waltz, deux maisons spécialisées dans la réédition deluxe de b.o. de films d'horreur aux petits oignons, rééditent ces jours ce bijou pour la première fois en LP et la bonne nouvelle pour les âmes sensibles, c'est que vous n'êtes pas obligé de remater le film pour l'apprécier.
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