Ils sont combien, chez vous, les musiciens dont vous collectionnez tout, tout, tout même les albums de remixes, même quand ils ne sortent qu'à l'autre bout du moment et qu'il faut payer le prix d'une tranche de boeuf de Kobe pour les rapatrier? Par ici, ils se comptent sur le doigt d'une main, ils sont presque tous vieux et Cornelius, parmi les moins vieux d'entre eux, fait partie du possee depuis 1997. A-t-on vraiment besoin d'expliquer pourquoi?
Sans doute le formaliste pop le plus important de son temps, Keigo Oyamada est bien sûr un garçon trop froid et trop concentré pour se soucier de ne faire que des chefs d'oeuvre. Ce qui l'anime vibrionne au-delà du music business: l'élaboration, via le séquenceur, d'un langage musical qui expliciterait en permanence le Triangle des Bermudes de la Chanson Enregistrée qui lie mystérieusement le fond et la forme, le langage et les effets, le son et les émotions. De fait, la Machine qu'il peaufine et upgrade sans cesse depuis son Point de 2001 a de moins en moins à voir avec les Beach Boys et de plus en plus avec, euh, la sémiologie.
Mais restez encore une minute: on parle de CM4, le quatrième volume de sa collection de remixes, et il y a MGMT et les Beastie Boys dedans. Et ce qui est chouette avec ces exercices d'expropriation, c'est qu'ils permettent non seulement de mesurer les derniers progrès en date de la Machine, mais qu'ils exposent les beautés enfouies des originaux de manière totalement dingo et inattendue. Sur CM4, il y a beaucoup de petites choses j-pop un peu kitsch et sans conséquences (Sôtai Seiriron, Maia Hirasawa, un Maki Nomiya post Pizzicato 5), pas mal de trucs pas terribles (Lali Puna, un Arto Lindsay récent, le Yoko Ono d'il y a deux ans) mais même avec les riffs épuisés, même avec les mélodies filasses, tout ce qui arrive (une guitare découpée, une voix envoyée de force dans l'espace) est passionnant.
Vous allez me dire, c'est que de la forme, il n'y a aucun fond, ce n'est pas par hasard que Cornelius n'a plus de maison de disques en Occident et que les derniers magazines qui font encore des couvertures sur sa pomme sont les revues spécialisés pour les ingés-son. Je vous répondrais que, parfois, une belle forme vaut tous les beaux fonds du monde. Et que Cornelius est le James Joyce de la stéréo.
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