Pas la peine d'écouter Deviate From Balance quatre fois de suite pour comprendre qu'on a affaire à quelque chose de majeur. Des disques de cette envergure, de cette densité, il nous en arrive moins d'une demi douzaine par an. Premier album de John Wiese à paraître sous son nom depuis 2006, cette somme d'oeuvres et performances récentes du compositeur californien a même de méchants airs de manifeste, pour son auteur au moins, pour le futur du bruitisme peut-être, pour le futur de la musique savante à n'en pas douter. Ce qui n'est pas pour plaire à tout le monde, en premier à ses premiers fans qui risques fort de s'en trouver décontenancés, trahis, voire blousés.
D'abord connu comme performer parmi les plus virulents et prolifiques de la scène harsh noise américaine (entre les collaborations avec Pain Jerk, Merzbow, Wolf Eyes, Hair Stylistics et Lasse Marhaug et les participations à Bastard Noise, Sissy Spacek, Smegma ou LHD, on parle d'une centaine de sorties entre l'an 2000 et aujourd'hui), Wiese y revient en effet après un éloquent silence discographique et auréolé d'un costume flambant neuf de compositeur de musique sérieuse, du genre qui écluse des bourses à la création, qui fait écrire des liner notes à des philosophe ou des mathématiciens et qui inaugure les acousmoniums de musées.
Ce qu'il convenait d'appeler hier noise s'étiquette donc désormais "musique concrète", "art sonore" ou "composition acousmatique" et tous les bruits et gestes qui s'y déploient semblent devoir s'y interpréter comme autant de déclarations, notes et symboles secrets. Mais les choses ont-elles tant changé que ça du côté de la musique? N'y entend-on pas des bruits de bouche, des coups de feu et des explosions de bruit blanc comme à l'époque des 45 tours sur Helicopter? Persepolis ou La Légende d'Eer de Iannis Xenakis ne s'apprécient-ils pas chez les aficionados du noise comme des disques de noise comme les autres? Adepte de l'editing et du scalpel numérique depuis bien longtemps, Wiese s'est en outre toujours distingué dans une scène noise largement adepte du déversement de boucan analogique pour son sens particulièrement méticuleux du découpage et de la composition, copiant, collant et interrogeant le bruit comme presque personne à part peut-être les cousins post-digitaux de Mego et Raster-Noton ou, dans une mesure esthétique très différentes, les compagnons de recherche de Wolf Eyes.
musée
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