Pour une fois, voici un disque qui assume son titre-programme jusque dans le moindre de ses recoins.
Dans la droite et sombre lignée du projet de son pygmalion et patron Mondkopf, Somaticae envisage d'emmener la musique électronique dans ces territoires largement inexplorés qui la voient jouxter le metal extrême. Plutôt que de tenter le coup avec les riffs et les greffes littérales, le jeune Français préfère taquiner ce lien très direct et très intense qui amarre ses genres (black, death, doom) à la souffrance, au chaos, à la haine de soi et donc au geste cathartique de les mettre littéralement en bruit et en cris dans la hi-fi. Ça tombe bien, c'est exactement ce qu'il fallait faire.
Loin de l'expérience de boucherie crossover, ce premier album forcément enregistré dans l'urgence et sans une once de distance est donc un disque largement informe et détaché des écoles électroniques (IDM, techno, ambient, harsh noise, synth wave), une ode jusqu'au-boutiste plus dark tu meurs mais qui exulte paradoxalement la joie d'incarner des formes qui n'appartiennent à personne d'autre. Outres une délicieuse surgeon-erie dubby en début de programme, le syncrétisme sonne en effet singulier en intégralité. Il y a des grandes orgues dissonnantes comme dans les b.o. de giallo, du vrai gros bruit qui crie, qui écrase les rythmes et qui fait des mélodies, des nappes orphelines tombées d'un vieux Lustmord ou du sound-design chiadé du prochain Alien. Les voix deshumanisées qui couinent ou hurlent entre les kicks rappelent les bonnes vieilles scies cyberpunk de cEvin Key de Skinny Puppy, les basslines pleines de trous évoquent Depeche Mode et les assauts de noise un Errorsmith qui aurait découvert Baudelaire.
Tout ça poussé ensemble pourrait faire une masse sanglante innommable, mais Somaticae a l'intelligence de s'oublier dans les formes qui naissent sous ses doigts (on voit les systèmes, on voit les boutons tourner), des laisser les vides vacants et surtout de ne pas arrondir les angles embarrassants. Musique de garçon, musique de jeunesse, musique de misère, Catharsis ne fait ni dans la dentelle, ni dans l'arty, encore moins dans la mesure. Encore une fois, tout est dans le titre. Est-ce que le garçon va trop loin? Bien sûr que oui, et c'est tout à son honneur. On sait gré à In Paradisum, label qui court somme toute le risque de se retrouver un de ces jours rattrapé par un chapelet de clichés, de le sortir sans frémir.
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