L'histoire de Daphni, c'est limite mon histoire préférée: de la pure dance music faite par un NERD qui n'a aucune légitimité de la rue (= du milieu) pour en faire et qui, du coup, fait péter toutes les règles et tous les us et coutumes chichiteux du moment.

A la base, le truc est pourtant détendu du slip: un side-project de Dan Snaith pour vider les disques durs des machins trop rough pour Caribou et des edits à la cool de pépites de musique africaine vintage dénichées par Analog Africa. Le truc magique c'est qu'en lâchant la pop psyché et l'art noble qui retenaient encore son magnifique Swim au pays du crossover, le Canadien est tombé sur un gros os. Pour détourner un vieux proverbe de l'Oncle Brian, il y a de l'Afrique dans son ordinateur.

A des miles des petits échanges de fluide précautionneux qui caractérisent 80% de la production dance des ces 6 derniers mois, la house de Daphni détonne parce qu'elle passe tout en force. En lieu et place des nappes polies au micro hertz qui sortent des laboratoires anglais, américains ou allemands, elle exhibe joyeusement ses failles (kicks écrasés, beats qui claudiquent) et ses mélanges contre nature (courbe acide vs. raga indien, bassline pupute vs. Buddy Miles, jackin' house vs. flutieau midi) comme autant de blessures de guerre. Formellement, c'est hilarant dans le casque du walkman et cataclysmique sur la piste de danse. Surtout, ça rappellerait presque les bonnes vieilles méthodes à la va-comme-j'te-pousse du big beat anglais (celui des premières conneries sur Skint en général et du premier Fatboy Slim en en particulier), tricardes depuis une bonne décennie. Pas que le big beat soit la solution à tous nos problèmes, bien sûr, ni que les tools de Daphni ressemblent à ceux de Cut La Roc, ouh non, c'est seulement pour vous situer le niveau d'audace et d'inconscience du gars derrière ses binocles de mathématicien. 

Sur "Light", le morceau le plus dingue de Jiaolong, le kick arrive à mi-parcours. C'est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup.