Hasard du calendrier ou conjonction des astres, le nouveau Cankun nous est arrivé en même temps que le deuxième volume de Deutsche Elektronische Musik, fameuse compil de Soul Jazz consacrée au krautrock allemand sous toutes ses coutures, les totémiques comme les obscures. Alors bien sûr Vincent Caylet est français et envisage plus Cankun comme un précipité d'exotismes en tous genres que comme un hommage aux inventeurs de formes de Munich et Düsseldorf; l'oreille distraite, les mains dans la vaisselle, on entend même volontiers des succédanés d'Afrique dans ses guitares et des fantômes de la Jamaïque dans ses tunnels d'échos. Mais les yeux dans les yeux avec le disque, on réalise que le chemin onirique est biaisé, comme chez Can ou Ash Ra Tempel, comme vu à travers un kaléïdoscope cassé.
De manière étrange, les paysages de Culture of Pink nous évoquent ainsi plus un rêve des Tropiques noyé dans une pinte de Paulaner qu'une excursion dans les hauteurs de Wallis-et-Futuna. En toute liberté, le Français semble vouloir rejouer le jeu originel de l'exotica, qui parle moins des endroits dont il rêve que de l'endroit d'où il parle; comme une bonne vieille chinoiserie de Martin Denny ou un Blue Lagoon accoudé au comptoir du Harry's Bar, Culture of Pink fait voyager dans des endroits qui n'existent pas.
Dans la mesure où Cankun a jadis sorti une cassette sur Not Not Fun, j'imagine qu'il serait plus pertinent d'aller chercher des explications du côté des oeuvres de 2010 et de leurs exégèses (pop hypnagogique, digimodernisme, tout ça) mais comme Caylet ne fait plus vraiment dans le lo-fi et dans les auras sépias, on assume: des grooves de batterie (piqués à Tortoise) aux éruptions de synthés, Culture of Pink sent surtout très fort la marijuana allemande. On le dit comme un compliment. Et pour le skater sur la pochette, on donne notre langue au chat.
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