Le foot a "Football Manager", soit le jeu de simulation de management le plus cool, complet et réaliste de tous les temps : soyez le boss du mercato, envoyez vos scouts aux 4 coins du monde chercher de jeunes talents (la base de données du jeu est folle), stalkez les entrainements de vos adversaires, défoncez votre équipe dans le vestiaire mais prenez sa défense devant la presse après une défaite, tout y est, tout est là.
Dans un monde parfait, le punk aurait lui aussi son jeu de simulation : "Crust Manager", ou un truc de ce goût-là. Repérez un groupe de première partie un lundi soir au Parvis de Bagnolet, puis faites-le devenir NOFX. Une chose est certaine, si quelqu’un est suffisamment fou un jour pour lancer le concept avec une base de données mondiale, alors votre premier move doit être, comme en foot, d’envoyer un recruteur au Brésil chercher ce groupe de génie caché qui dominera un jour la scène mondiale. Chercher Deafkids.
Deafkids a toutes les caractéristiques du trésor qui ne demanderait qu’à exploser sur les planches de tous les festivals et dans les pages de tous les magazines de punk, métal, noise et de musique weirdo du monde. Car après avoir certainement avalé à toute vitesse tout le punk rock et le crust nécessaires pour la maitrise des gimmicks et de l’intensité cathartique du punk hardcore, il semblerait que les Enfants Sourds n’aient pas mis longtemps pour aller lorgner ailleurs, du côté des musiques répétitives, hypnotiques, indus, cold, bruitistes, synthétiques.
Là où il leur a été possible de puiser des influences leur permettant de s’affranchir des cycles en 4/8/16 mesures, dont le punk et bien d’autres musiques ont été fait prisonniers depuis des temps reculés, et qui entravent parfois leur mutation.
L’industrie, tout sauf une digression de plumitif. Le groupe revendique ses origines cariocas et vante dans sa bio le titre de "City of Steel" de Rio Janeiro, plus grande ville industrielle d’Amérique Latine. Par ici les blasés, les adaptes du "ouais mais moi j’en suis revenu de tout ça", les déçus de Converge depuis qu’ils ne sont plus qu’une caricature d’eux-mêmes (depuis You Fail Me quoi), les longues plages habitées et complétement hallucinées de Deafkids ne demandent qu’à être parcourues de tout leur long.
Le crust est toujours là (des riffs classiques, un seul son de distorsion bien minimal, tout le long), mais accompagné de cette voix folle dégueulant encore plus de delay qu’un groupe de garage parisien en 2012. Les plans s’enchainent de façon tout à fait inattendue, convoquant tour à tour la répétition, la tension, puis le bruit, puis l’hypnose, l’errance, la langueur pour tout à coup vous tailler en pièce, vous et la discographie de Discharge, d’un simple riff.
Leur science limite no wave de la compo barrée et complétement débridée n’est pas sans convoquer le souvenir d’Headwar : leur utilisation parfaite des effets, de la répétition et du bruit pour se barrer discrètement dans le dos des gardiens du temple en t-shirt Hatebreed est d'ailleurs savoureuse. Bref, des compositions beaucoup trop fines pour fatiguer l’auditeur, une cassette pas assez longue pour être chiante ou perdre sa punk-cred', et trop courte pour ne pas avoir envie de la réécouter 5 fois de suite.
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