Du Nigeria et de ses accointances avec la culture occidentale, on connaissait déjà le highlife (notamment grâce aux compilations Soul Jazz Records, Soundway ou Strut), mélange de musiques des campagnes, de guitares portugaises, de big-bands américains et de styles caraïbes (comme le calypso). Reflétant l’influence culturelle des colonisateurs depuis les années 20 et répandu dans une grande partie de l’Afrique de l’Ouest (Ghana, Sierra Léone…), le highlife fut aussi l’occasion d’un détournement des standards occidentaux, la création d’une musique hybride et passionnante, comme purent l’être également le tropicalisme brésilien, le chaabi en Algérie ou le molam thaï. L’afrobeat inventé par Fela Kuti dans les années 1960 fut également une telle déclinaison de jazz, de soul et de funk avec les percussions et les traditions vocales locales.
Joni Haastrup - Free My People
04:51
La compilation ici présentée, sous-titrée
Afro Funk, Disco and Boogie : West African Disco Mayhem ! explore encore un peu plus loin et plus tard dans l’histoire (les années 1970, donc) cette appropriation par les artistes nigérian de la musique de danse anglo-saxonne, à une époque de l’histoire du pays où les importations de disques occidentaux étaient interdites, et où les musiciens locaux produisaient et remplaçaient cette musique inaccessible, entre plagiat et re-création, pour une diffusion très limitée. La rareté de ces productions en a fait autant de trésors dingues pour diggers, sur lesquels Soul Jazz a eu la généreuse idée de lever un petit bout de voile et d’obscurité historique.
Christy Essien You Can't Change A Man 1979
03:58
Afrobeat et highlife se trouvent donc ici mâtinés de rythmiques funk (ou boogie) et de divas disco pour un mélange qui a autant à voir avec Fela et ses Koola Lobitos ou William Onyeabor qu’avec Funkadelic ou Donna Summer. Grosses productions sirupeuses ou imitations cheap, agrégeant les premiers synthétiseurs aux habituelles formations, réunissent des artistes voyageurs ou apatrides (Joni Haastrup, Tee Mac, Christy Essien) ou qui n’ont jamais quitté le sol africain (Don Bruce & The Angels, Akin Richards & The Executives, Angela Starr, Jimmy Sherry & The Music) sous cette bannière dansante, hédoniste, moderne, dont l’étendard le plus étonnant est sans doute Benis Cletin (un de ses morceaux, Soul Fever, donne d’ailleurs son titre à cette compilation), disco-machine quasi enfantine, chantant en anglais avec un accent pas possible, sur des riffs de guitares et synthés minimalistes, pas très loin de Francis the Great ou de Francis Bebey... Cette double (CD) ou triple (LP) compilation sort juste avant la réédition du "Night Illusion" de 1980 de Tee Mac, boogie-star nigériane qui fait ses première armes ici.
Vous pouvez commander
Nigeria Soul Fever sur le
site web de Soul Jazz Records.