Oh le joli bonbon au poivre que voilà! Le joli coussin d'épingles! La jolie vierge de Nuremberg! On aurait bien sûr été bien mal avisé d'attendre du rose et de la pop d'une rencontre entre Jamie Stewart le serial doloriste et Eugene S. Robinson le fight-clubber; mais à bien des égards, Sal Mineo est bien plus rétif, ardu et hardcore que tout ce qu'on pouvait imaginer. Présenté comme un bon death trip des familles, c'est surtout un compendium de cruautés, un cahier de "crimes soniques" d'autant plus dangereux pour le moral et les oreilles qu'il glisse aussi des moments de délice dans les interstices.
Le dispositif de départ est simple: moins connu au sein de Xiu Xiu pour ses inventions soniques (qu'il planifie pourtant en grande partie) que pour son rôle de leader crooner, Stewart bricole un tas de petites machines sur une table pendant que Robinson délivre mille personnages et voix d'apparat. Vaguement inspirés par le destin tragique de Sal Mineo (acteur, éphèbe et chanteur assassiné qui fut l'un des premiers personnages publics américains à revendiquer son homosexualité), les deux font une narration hirsute, déchirée, dont on a bien sûr du mal à distinguer les épisodes, d'autant qu'elle concerne plus "un groupe (fictif) influencé" par l'acteur que l'acteur lui-même. Robinson ayant à son actif deux bouquins (dont un vrai-faux roman d'anticipation édité en français l'an passé) et Stewart l'intégrale du génial Dennis Cooper pour modèle d'à peu près tout ce qu'il fait, la jonglerie littéraire ne nous surprend pas. Mieux, elle nous enthousiasme.
Car le plus étonnant au finish avec Sal Mineo, c'est la cohérence qui perle au fur et à mesure qu'on s'inflige sa débauche de matières, de codes et de hullulements. Alors bien sûr, c'est une suite de miniatures avec des clings, des cruitches et des clongs et un mec qui beugle dans un micro vintage; certes, on est souvent tout près d'une bande magnétique de Henri Chopin ou d'une vieille archive lettriste; mais quand la colère et la tristesse s'aggrègent autour d'un semblant de mélodie, quand Eugene revient à son rôle de griot formidable, on se retrouve avec un précipité de quelque chose qui a encore à voir avec le rock et c'est vraiment très fort. Ça s'achète en vinyle dès le 28 avril sur Aagoo Records.
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