C'est long, quatre ans. Et quatre ans sans nouvelles de Deathspell Omega, l’entité la plus téméraire du black metal français ex-aequo avec Blut Aus Nord, c'est encore plus long. Mais les anonymes les plus célèbres du genre, Khaos et Hasjarl (aidés de leur chanteur Mikko Aspa) sont enfin de retour avec un glorieux album, The Synarchy Of Molten Bones. Et la patience paye.
Quel plaisir de constater que la direction générale du LP s'inscrit non seulement dans le chemin parcouru depuis Fas et Paracletus, mais l’explore plus loin encore. Les titres sont véloces, dévastateurs et repoussent encore un peu la quête de Deathspell Omega aux frontières du metal noir. Au fond, il n'y a pas de raison de battre en retraite pour ces pionniers : leur réputation d'orfèvres autant que d'iconoclastes du genre a fait d’eux des musiciens résolument à part. Et tout comme leurs disques les plus audacieux, celui-ci sera loin de faire l’unanimité parmi les puristes d’un certain black metal figé et poussiéreux. Tant mieux.
Âpre et intense de prime abord, ce disque dévoile ses richesses à ceux qui sauront être persévérants, écoute après écoute, jusqu’à révéler tout son génie tapi au fond d’un océan de fureur, à la manière des compatriotes d’Antaeus. Les décalages rythmiques incessants désorientent, mais à mesure qu’on y replonge, on goûte le bonheur de déceler chaque discrète mélodie enfouie sous le déluge de violence. Dans ce domaine, l'inventivité de Deathspell Omega semble sans limite : le groupe navigue de la haine au grandiose habilement, comme en atteste l’incroyable final "Internecine Iatrogenesis".
Alors que deux sorties précédentes Paracletus et Drought ménagent parfois de profondes respirations au milieu de morceaux tempétueux, The Synarchy Of Molten Bones se démarque par un tempo presque exclusivement rapide. Les compositeurs tissent des riffs funestes qui évoquent des raids sans merci dont les oreilles et l’esprit ressortent exsangues, à la manière de S.V.E.S.T. Cette fois-ci, le groupe fond sur l’essentiel : en moins d’une demi-heure, il scelle son album le plus intense, le plus impressionnant, le plus colossal.
Deathspell Omega prouve sa cohérence, son talent, et se démarque une fois de plus comme l’un des esprits les plus libres et les plus prodigieux de sa famille musicale : solide et inspiré, le groupe bâtit album après album une architecture nouvelle au black metal, quitte à dérouter les grenouilles de bénitier de cette chapelle percluse de codes archaïques et de rites ankylosés.
C’est d’ailleurs ce qui rebutera certains fans d’un metal plus ludique, lassés des improbables considérations métaphysiques du trio et/ou castrés par ce songwriting si virtuose, quasiment en dehors des carcans du genre. Il y a de quoi : l’œuvre tortueuse de Deathspell Omega se manifeste comme l’une des incarnations contemporaines les plus passionnantes des mystères du black metal.
Dans une de ses rares interviews, le groupe expliquait : "nous ne partageons pas cette conception commune qui veut que la musique et les mots soient deux choses séparées". Tout était déjà dit.
Vous pouvez vous procurer The Synarchy of Molten Bones en format vinyle, CD ou numérique sur le bandcamp de Deathspell Omega.
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