Cabaret Contemporain, sur le papier, c'est pas sorcier : un conventicule d'interprètes de musiques nouvelles européens, échappés diversement de l'Orchestre de Nouvelles Créations, Expérimentations et Improvisation Musicales, de Baeshi Bang ou Barber Mouse et réunis pour interpréter le meilleur du répertoire moderniste point trop ardu (John Cage, Moondog, Terry Riley) tout en opérant un rapprochement franc et tranché avec les musiques électroniques les plus curieuses et ouvertes de nos contrées.

A mi-chemin du groupe de techno "acoustique" et de l'orchestre iconoclaste à la Bang On A Can (cet ensemble américain autant capable d'interpréter Terry Riley que le Music for Airports de Brian Eno), Cabaret Contemporain ouvre les oreilles de tous les publics en douceur et en sueur, sur des rythmes de Saint Guy qui doivent autant à Steve Reich qu'à Jeff Mills ou James Holden.



Ces dernières années, Fabrizio Rat (piano préparé et claviers), Julien Loutelier (percussions, électronique), Giani Caserotto (guitares), Pierre Favrez (ingénieur du son), Ronan Courty et Simon Drappier (contrebasses préparées) ont collaboré avec Gilb'r (dans The Explosion), Etienne Jaumet, le Chateau Flight de Gilb'r et I:Cube, et se sont autant produits à la Philarmonie qu'à La Machine du Moulin Rouge, dans les festivals de musique contemporaine (Festival Musica...) que dans les gros raouts électroniques contemporains (Nuits Sonores, Rewire...).

Partout, la mission de ces authentiques passeurs (quelques fois décrit comme "une boîte à rythmes géante") est la même : rappeler qu'au-delà de la technique et des traditions, la musique ne transporte jamais autant quand quelle elle s'émancipe de l'utilitaire et gigote, fluctue, vibrionne en totale liberté. 

Sur leur premier album enregistré en circuit fermé, les cinq musiciens font un pas de plus vers l'inédit puisque Cabaret Contemporain est composé exclusivement de morceaux conçus et arrangés par leurs soins. Le résultat est de l'ordre du jamais entendu, tant du côté de la musique électronique que du minimalisme bon teint. Très au fait des avancées récente de la house du côté du crissant et de l'accident (Daphni, Holden) autant que des expériences hybrides de Tim Hecker ou de la minimal chaleureuse de chez Kompakt, Cabaret Contemporain produit une musique mécanique et éminemment organique à la fois, grouillante de vie aurale, dégondée mais jamais zonarde, cyclique mais jamais répétitive, très mélodieuse mais dénuée de toute proéminence mélodique absconse et de tout effet de manche inutile.




Portée par les timbres très riches du piano préparé et du bois laqué des contrebasses qui se substituent insidieusement - mais jamais de manière transparente - aux sempiternels arpeggio de synthé modulaire et autres séquences de TR-909, la musique de Cabaret Contemporain est pourtant le contraire d'une anti-musique électronique. Son propos est même l'antithèse de celui, fort désagréable, d'Erik Truffaz et autres cabots du jazz contemporain qui présument augmenter la musique électronique par l'énergie du live et la technique : plutôt un hommage de travers à la beauté indiscible du son électronique et aux formes fascinantes qu'il a fait naître par le biais inattendu de l'interaction entre cinq musiciens aux idées longues, sensibilisés aux expressions de la musique électronique la plus vivace grâce à la pratique prolongée des mille est une musiques expérimentales qui l'ont précédé. 

Cabaret Contemporain de Cabart Contemporain sort le 13 mai sur le label allemand M=Minimal. Un très beau clip de "Map" se regarde ici.