Plus que plein d'autres groupes sur la Terre, Cheveu est un groupe qu'on aime très fort suivre. Un peu bêtement, où qu'ils aillent. Parce que si on devait expliquer le bonheur qu'on éprouve à les écouter sur disque et à les voir jouer sur scène depuis leur Cheveu de 2008, le bonheur béat de l'étonnement devant les noeuds d'inventions plus ou moins sensées qu'ils nous donnent à écouter l'emporterait presque sur celui plus prosaïque du "bon kiff de bon riff" dans lequel les trois gars excellent pourtant à peu près autant que les Melvins.
Qu'on prévienne donc immédiatement les fans hardcore de leur précédent Mille qui auraient peur de faire les frais d'un changement de cap un peu radical, le mécanisme classique du "groupe qui refuse de se répèter pour avancer" est totalement inopérant sur Bum (comme la plupart des schémas établis du groupe de rock sont inopérants sur Cheveu). Les mecs sont beaucoup plus libres, intelligents et radicaux que ça. Et le seul phénomène qu'on arrive à visualiser s'être passé entre les deux disques, c'est un incendie qui aurait tout décimé dans leurs ciboulots. Gravez-vous donc ce qui suit profond dans le vôtre, de ciboulot: toutes les choses inédites que le groupe a choisi de faire dans son troisième album (chanter beaucoup en Français, faires des clins d'oeil à des trucs de rock alternatif de pendant la Cohabitation, faire des pop songs bébêtes comme Jacno), il les fait parce qu'il a vraiment très envie de les faire, pas pour vous faire pleurer.
Alors soit, Bum décevra ici et là, mais c'est mieux que normal: c'est une bonne nouvelle. Nourri aux myriades d'expériences parallèles de David Lemoine, Etienne Nicolas et Olivier Demeaux (Atelier Méditerrannée, Accident du Travail, Noyade, les concerts au Bois d'Arcy), c'est un disque de Cheveu pur jus, mais quasiment exclusivement rempli de choses qu'on ne les avait jamais entendu tenter avant. Plutôt que le cacapoum à pogoter systématique ("on se cogne et on rigole") et le Mur du Son qui en impose à chaque seconde, le disque explore un éventail d'humeurs qui va du rouge cramoisi au bleu pastel très clair, une galaxie de sentiments éparpillés entre l'assaut pur et simple sur les nerfs et les tartines de tendresse.
Lire Bum comme le disque d'un groupe de bruit qui mettrait de l'eau claire dans son vin âcre, aussi, serait une belle idiotie, parce que c'est bien sûr dans les chansons qui ressemblent devant à des ballades qu'il se passe les choses les plus étranges derrière. C'est dans les chansons douces notamment que se déploient le mieux les choeurs grotesques et magnifiques arrangés depuis Tel Aviv par leur amie Maya Duniet (déjà arrangeuse des parties de cordes sur Mille), qui comptent non seulement parmi les choses les plus magnétiques et les plus dérangeantes qu'on peut entendre sur l'album, mais parmi les choses les plus magnétiques et dérangeantes qu'on ait eu l'occasion d'écouter depuis un bail. Alors fan ou pas fan de Cheveu, fan ou pas fan de Mille, rendez-vous un service: faites-vous violence et écouter tout ce qui suit au moins trois fois à la suite. Ici et maintenant, on a rien à vous faire écouter de plus brillant, bizarre, attachant et excitant. Pour la suite, c'est par ici que ça se passe.
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