Ça ne vous aura pas échappé, le soufflet Odd Future est retombé. Et le verdict est sévère : alors qu'il a monopolisé l'attention pendant plus de quatre ans, le collectif de jean-foutre californiens n'a finalement accouché que d'un seul vrai grand disque sur lequel on collerait bien l'étiquette de "classique des années 2010" dont on a affublé l'album surestimé de Kendrick Lamar. Et ce disque c'est le Doris d'Earl Sweatshirt.

Sweatshirt, c'était celui qui nous avait fait le meilleur effet quand la première salve de clips cradingues était apparue sur nos écrans circa 2010. Il avait 16 ans et une appétence pour l'auto-destruction, et les lyrics misogynes. Son rap était vicieux et content de lui. Un court album gratuit (ou une mixtape, on ne sait plus très bien), intitulé Earl, avait suffi à nous persuader que c'était lui, le mec à surveiller – bien plus que le fatigant Tyler dont on allait très vite se lasser.

Pourtant, très peu de temps après la sortie de Earl, l'adolescent était expédié en maison de redressement aux îles Samoa par une maman – professeur de droit à l'Université de Californie – un peu inquiète. Le rappeur le plus doué du crew raterait les premiers bains de foule, le stage diving à Coachella et les singeries en prime-time. Fin 2012, il revenait avec un single un peu grave, un peu introspectif, avec ligne de piano austère et clip en noir et blanc pour rassurer sa mère et réclamer son dû. Dans la foulée sortait un long-format très classe (Doris, donc) qui se vendait 5 fois moins que le Good Kid, M.A.A.D. City de Lamar (scandale) mais dont on ne doute pas une seconde de la pérénnité.

« Rats », la chanson qui vient de leaker, a sans doute été enregistrée à l'époque où Earl ressemblait à une version adolescente de Too $hort (il a des cheveux maintenant). Il crâne ("Fuck y'all, they can't handle the fact that I am not yet a man") et utilise plein de mots qui ne sont pas dans le Littré. C'est le meilleur morceau de gangsta-rap pré-pubère que vous entendrez cette année.

On en profite pour vous dire que le deuxième rappeur le plus intéressant d'OF, le discret Domo Genesis, donnera une suite à la remarquable mixtape Under The Influence (2011) dans les prochains jours. On peut écouter un très bon premier extrait, avec un beat qui pourrait avoir été programmé en 1993 (mais qui n'aurait pas pu être sur l'album de 2Pac auquel le morceau emprunte son titre). Domo y rappe comme s'il avait arrêté de fumer des joints pendant cinq minutes et ça lui réussit plutôt bien.