Ça vient d'être validé pour de bon par le Comité Officiel de la Paresse Intellectuelle, le premier album de Daniel Avery sera "l'événement électronique" de la saison. Sans nous aventurer sur le terrain miné de savoir si c'est mérité, ce choix collectif nous pose une question: qu'est-ce qui fait qu'un artiste techno, dont la musique ne sort pas de manière franchement ostentatoire du carcan de la dance - par exemple en tendant les mimines vers le lounge ou la chanson - arrive à pulvériser le plafond de verre qui tient la plupart de ses collègues cantonnés à la Scène et aux spécialistes?
Dans le cas de l'Anglais, c'est particulièrement intrigant parce que sa musique procure exactement le même plaisir compliqué que celui que procuraient les albums des pionniers britanniques du crossover - les Weatherall, Underworld, Leftfield ou Chemical Brothers qui firent passer en premier la dance vers les charts pop rock. De manière superficielle, la plupart des journalistes ont souligné les similitudes de forme et de matières entre la musique d'Avery et celle des artisans de la révolution techno baggy: prédominance des courbes de TB-303, nappes chancelantes et saturées, mélodies solaires ... Mais plus que des parallèles de couleurs et de patterns rythmiques, on dénote surtout des analogies dans les dynamiques en dents de scie et dans la qualité de la psychédélie à la fois frontale, un peu simplette et très puissante.
Comme les vieilles scies de la techno crossover, Daniel Avery ne fait bien sûr pas du rock avec la quincaillerie de la techno. Il se trouve juste que ses beats et ses basslines font penser au rock tout le temps, jusque dans cet empressement à foncer vers le frisson et à chercher le chemin le plus court pour faire tripper l'auditeur perdu dans les patterns et les répétitions. Mais le plus miraculeux - et le plus étrange - au final, c'est la manière dont la techno d'Avery contourne malgré ça les racolages techno rock, les sales tendances de l'electro pop ou les complots cyniques de l'EDM. Mettons ça sur le compte du goût et du bon sens de ce vrai aristo de la cause, vraisemblablement sûr de sa lignée et de ses adoubements et pas débarqué sur ce front compliqué par hasard. Pour vous faire une idée, goûtez les trois échantillons ci-dessous ou courrez chez Pitchfork, où l'album s'écoute en entier.
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