Jo estava que m'abrasava - Chants de travail et romances de Minorque et de Majorque, est le fruit de la collaboration entre Marion Cousin (June & Jim) et le violoncelliste Gaspar Claus, et le premier volet d'une recherche musicale autour de chansons traditionnelles de la péninsule ibérique. Issus des îles-miroir des Baléares, Majorque et Minorque, chants de travail des siècles derniers y croisent chansons de geste héritées du Moyen-Âge, sous les cordes d'un violoncelle et d'une voix nourris de transes archaïques et d'explorations sonores modernes.
Dans le sillon des collecteurs et ethnomusicologues comme Alan Lomax (dont les Spanish Recordings, ont révélé quelques chansons ici jouées), Marion Cousin transmet, de la bouche aux oreilles, ces paroles et mélodies anciennes, en majorquin et minorquin, d’une voix douce et lasse, aussi fragile que souveraine, sans aucun maniérisme sinon celui de l’étreinte du temps (et son chant parait parfois spectral, intemporel, ou éternel), restituant la litanie des gestes quotidiens (chants de labour, de fauchage, de cueillette), mais aussi la répétition des guerres (celles-ci résultant souvent des caprices des rois, et touchant d’abord les pauvres gens) ou la fatalité des naissances (les mères y sont souvent cruelles et les maris partis guerroyer). Ces chansons témoignent d’une époque où (avant l’enregistrement) tout le monde connaissait et chantait des chansons populaires, et pratiquait, même sommairement, des instruments de musique, même bricolés. Quand la musique était un art vivant, quasi fonctionnel, inscrit dans les gestes du quotidien, les chants fonctionnant comme autant de rituels, de célébrations, aussi païens que célébrant la vie, la nature, l’amour aussi.
De "Madona de sa cabana", comme une aube se levant sur la plaine ("Madona de sa cabana / Aixecau – vos de mati, i veureu el sol sortir / vermell com una magrana ", traduit par Marion Cousin : "Madona de Sa Cabana / Levez-vous de bon matin / Et vous verrez le soleil poindre / Rouge comme une grenade "), au crépusculaire "Jo estava que m'abrasava" ("J’étais à m’embraser"), contant l’amour (brûlant) d’une femme mûre pour un jeune homme ("Plus je buvais / Plus ma soif grandissait / L’eau ne l’étanchait pas "), ces ritournelles lancinantes, hypnotiques, sont enveloppées, portées, magnifiées par le violoncelle (parfois plusieurs violoncelles, parfois passés par des effets) de Gaspar Claus, musicien aussi virtuose qu’affranchi, cofondateur du trio Vacarme, et qui a notamment collaboré avec Jim O’Rourke, Sufjan Stevens, Rone, Angélique Ionatos, Keiji Haino, Serge Teyssot-Gay, Barbara Carlotti, Peter Von Poehl, Stranded Horse… Tisseur de ponts entre musique savante et populaire, oreille familière aux sonorités ibériques en raison de sa naissance pyrénéenne et de ses accointances avec le flamenco (Pedro Soler, Inés Bacán), Gaspar Claus sait alterner bourdons baroques et saillies bruitistes, glissements vers la mélancolie et violence des passions, mariant motifs répétitifs reichiens et sécheresse archaïque du jeu, frottement de l’archet sur la corde et vibrations des graves, aussi concret que profond, aussi subtil que puissant.
C’est donc bien à la rencontre entre l’ancien et le moderne qu’on assiste ici, entre le geste immémorial et celui le plus soudain, entre le temps qui mange ses enfants et le temps qui surgit, celui de l’événement. Aux litanies chamanes de Marion, le violoncelle de Gaspar ajoute les linéaments vibrants de la subjectivité, de l’inconscient, de la nature, et c’est bien à entendre un folklore moderne, et éternellement vivant, que nous sommes invités par ce magnifique duo.
Gaspar, tu connaissais déjà les Baléares ?
GC : Oui, j’y étais allé en famille, plus jeune. Et j’ai passé le réveillon de l’an 2000 à Ibiza (rires). Pas au Pacha, mais dans cette boite avec un dôme qui s’ouvre, j’avais 16 ans.
MC : Ce sont des groupes d’îles qui, avant, s’appelaient différemment et étaient séparées administrativement. Les îles Baléares étaient composées de Majorque et Minorque, et les îles Pityuses étaient composées d’Ibiza et Formentera. Musicalement les chants d’Ibiza et Formentera sont très différents de ceux de Minorque et Majorque, ils emploient une technique très nasale, mais aussi gutturale, avec beaucoup de yodels, et les mélodies sont très répétitives. Cela n’a rien à voir avec les chants légers et mélodiques de Minorque et Majorque. Et ce sont presque des martiens à côté de toute la musique traditionnelle espagnole.
GC : Des clubbers autrichiens qui font du yodel en sortant d’after… (rires)
Ça veut dire qu’il y a une sorte d’idiosyncrasie d’Ibiza depuis très longtemps, avant même l’invention du clubbing…
MC : Il y a aussi une idiosyncrasie de Majorque et Minorque, avec tous ces mélismes qui marquent leurs chants de travail, et qu’on ne trouve pas ailleurs dans le nord de la péninsule. Les chants du sud de l'Espagne, où l’influence arabe a été très forte, sont très mélismatiques, on le voit dans le flamenco ou le folklore andalou, mais c’est bien plus rare dans le nord. Et puis, ces chants ont la particularité de passer constamment de majeur à mineur, comme s’ils tanguaient entre les noms de ces deux îles, la Baléare majeure et la Baléare mineure. Mais dans ce disque il y a aussi des romances, des chansons de geste qui peuvent venir de toute l’Europe, comme Porquerola, qui viendrait de Bretagne. Mais les chants de travail, avec tous ces mélismes, ne sont entendus nulle part ailleurs.
Comment avez-vous enregistré ces chansons, et composé les arrangements ?
MC : On a enregistré dans une cave aménagée en studio sommaire, où Borja avait aussi enregistré son album. On ne savait pas si on faisait des maquettes ou des enregistrements, et ça a duré 5 jours, à raison d’une demi-journée sur chaque morceau.
GC : On s’est d’abord vus une fois chez moi, où Marion est venue avec deux morceaux, on a fait une improvisation, très spontanée. Et finalement, ça ne s’est pas passé comme ça en studio, les chansons ont été arrangées, sur le coup. A partir de zéro finalement. On n’a pas pensé, avant de commencer à enregistrer, au contenu ou à la forme du disque.
MC : Moi je lui chantais la chanson, je lui disais de quoi ça parlait, que ça allait durer vingt-quatre couplets (rires), ou un seul. Et il a écrit les arrangements à la volée, quasiment.
GC : Le chant a provoqué des réponses, des propositions de lignes, de phrasés. Et les morceaux se sont structurés ensuite autour du sens, de l’histoire racontée. La direction, les arrangements, étaient définis par le sens des paroles. Vu que toutes ces chansons fonctionnent un peu comme des comptines pour moi - ce sont des litanies, des transes, qu’on peut chanter une heure dans sa tête sans se lasser -, cette répétition structurait les arrangements. Ensuite, j’ai rajouté des strates de violoncelles, ce qui était nouveau pour moi, et très agréable.
C’est un disque dont les arrangements, pour moi, font sens avec les paroles, et qui a une structure générale aussi : on a l’impression de suivre le cours d’une journée, ça commence par une aube, avec Madona de sa cabana et ça se finit par un crépuscule, avec Jo estava que m’abrasava, non ?
MC : Ah ça, ç’a été très long à décider ! On a failli commencer l’album par le crépuscule et finir par l’aube. C’est d’ailleurs comme ça que l’on fait les concerts.
GC : Moi j’avais très envie que ça commence par l’aube.
MC : Mais l’aube était aussi une très belle manière de finir.
Les arrangements pour ces deux chansons évoquent vraiment des paysages. L’aube se levant sur la plaine pour la première, un paysage un peu plus mouvementé sur lequel s’étend doucement l’obscurité, pour la dernière.
GC : Oui. Pour Madona, j’ai vraiment le souvenir d’avoir vu cette aube dans une plaine au lointain. Et le texte est splendide : "Vous verrez le monde endormi / Se raviver dans la lumière / Et chaque chose sortir plus belle / De la noirceur de la nuit", ou "Car sur la plaine déjà s’égraine / la grenade du soleil", c’est tellement justement décrit, ce très court instant de l’arrivée de la lumière. Tu me l’as traduit et on est parti bille en tête. Je crois que c’est le morceau où j’ai le plus ressenti la présence forte de l’île.
La dernière chanson aurait presque pu être plus joyeuse, j’avais presque envie de l’entendre comme une chanson d’ivresse, une chanson à boire. Elle est interprétée comme ça d’habitude ?
MC : L’enregistrement d’Alan Lomax que j’ai de ce morceau, à Majorque en 1955, est interprété beaucoup plus légèrement. C’est un chant de travail, par une femme qui a une voix magnifique, Mais ce n’est pas une chanson à boire, non, c’est quand même une femme qui dit "J’étais à m’embraser pour l’amour d’un jeune garçon". C’est l’éternelle histoire de la femme qui tombe amoureuse d’un garçon plus jeune… et qui se sent vieillir.
J’ai trouvé que ça pouvait être aussi une métaphore de votre rencontre… musicale, bien sûr. C’est-à-dire une rencontre entre l’ancien, la tradition, le lointain, et la modernité, l’expérimentation, le côté abrasif, justement du jeu de Gaspar.
MC : C'est curieux parce que c'est le morceau sur lequel on s'est rencontrés, le premier sur lequel on a commencé à jouer, et qu'on a enregistré. Et c'est aussi le premier morceau que j'ai entendu de tout ce répertoire, sur cette compilation des enregistrements d'Alan Lomax aux Baléares. Donc oui, c'est le premier morceau de beaucoup de choses, c'est pour cela qu'il donne son titre à l'album, et que je voulais qu'il le débute. Mais comme Gaspar n'était pas très content du son du violoncelle sur ce titre, il ne souhaitait pas qu'il ouvre album.
GC : Oui, il manque de corps. Pour ce titre, le travail sur le violoncelle est beaucoup sur les harmoniques, le spectre du son, et on n’a pas réussi à restituer ça au mixage. On était un peu loin, je crois. Du coup, il y a une impression de distance : c’est plus un instrument qui s’éloigne, un son qui s’éloigne, je préférais l’entendre à la fin. Et il est assez froid, il tourne le dos à l’auditeur, en un sens, ce qui me va très bien pour finir un album. Par ailleurs, je ne connais pas tous les textes des chansons par cœur, sauf celles en plusieurs parties, pour me repérer dans la structure…
Effectivement, certaines sont structurées aussi, avec des pauses, quand il y a des dialogues.
MC : Oui, Na Margalida ou Porquerola sont des dialogues. Les deux grandes pauses sont liées à l’histoire : dans Porquerola, il y a sept ans qui passent. Toujours sept ans… c’est normal, c’est un chiffre magique. Et la nuit qui passe aussi, permet de marquer des pauses, par exemple.
Les motifs répétitifs de violoncelle semblent particulièrement accompagner les mouvements répétitifs du travail dans les champs, ou de la guerre, de la marche, avec un côté martial. Et les moments plus déliés, plus expressionnistes, semblent illustrer les subjectivités, les pensées des personnages…
GC : Oui, on n’a pas complètement conscientisé la chose, mais effectivement Madona de Sa Cabana ou Ametleret abundos évoquent par exemple des paysages, la nature, le temps naturel. Et la musique respire bien plus dans ces morceaux-là. Dès que l’humain arrive, avec son mode d’être complexifiant, ou violent, des répétitions s’installent, mais elles sont toujours un peu labyrinthiques. Sur Sa nuvia d’Algendar/ El rei moro, c’est une phrase en 9 sur une phrase en 8 par exemple, et quand je l’écoute, elle me donne encore des vertiges. Pas les vertiges que l’on ressent devant un beau paysage, mais ceux que ressent celui qui se perd dans une relation, ou dans son rapport aux hommes.
Les chansons parlent souvent de la fatalité, du destin aussi. Ta manière de chanter, Marion, est très belle, parce qu’elle fait ressentir une sorte de fatigue, de résignation. La fatigue physique que créé le travail, et face à un pouvoir temporel très violent, avec des rois capricieux, ton chant semble évoquer aussi le sentiment d’une fatalité sociale, la fatigue des pauvres gens qui travaillent dur, ou qu’on envoie à la guerre… une conscience de classe malheureuse.
MC : C'est étonnant, je n'ai pas cherché à exprimer quelque chose de tragique. Mais cela vient sans doute du fait que l'enregistrement, notre manière de travailler a eu un impact sur ma manière de chanter. J'ai vraiment découvert dans le temps de l'enregistrement une façon de chanter différente, nouvelle pour moi. Je n’avais jamais chanté avec un violoncelle, et dans cette pièce, le son du violoncelle était énorme. Il fallait que je trouve ma place dans ce son qui m'était finalement peu familier, tout en étant complètement renversée par celui-ci. Je me sentais à la fois traversée, et un peu funambule. Il y a quelque chose de l’embrasement en effet, qui tient à cette rencontre musicale…
Moi j’entends aussi une consomption, quelqu’un qui se consume, qui est presque anéanti par le travail, par la guerre, par cette vie qui est très dure.
GC : Et en même temps, elle se tient très droite. Il y a une solitude, une dignité, qui rendent ces femmes inaccessibles, et qui les protègent énormément. Du coup, moi, je n’ai pas peur de jouer, ni de t’envahir ou de t’écraser, Marion, car il y a quelque chose d’inatteignable. J’ai toute liberté de danser autour de toi, je sens que je ne peux pas t’abîmer. Je ne suis pas un soliste qui t’accompagne, on est libres de donner ce qu’on veut à l’autre, on est inaliénables l’un et l’autre.
Peut-être que ce qu’il y a d’inatteignable dans ton chant, c’est le lointain, l’ancien, ces traditions anciennes, médiévales, que tu transmets. Alors que Gaspar est plus dans la modernité, le présent, avec son jeu, et peut tourner autour de cette représentation…
GC : Pour que les deux matchent, il faut qu’il y ait une posture très solide, à un endroit, et c’est celle que je te vois prendre, même physiquement sur scène. Alors que faire entrer en collision la modernité et la tradition, comme ça, pourrait être complètement hors de propos.
MC : On a failli enregistrer un chant sacré de Majorque qui s’appelle “Le chant de la Sibylle”, et qui m’apparaissait à un moment comme la pierre angulaire du disque. Il n’est pas sur le disque finalement, parce que c’est un chant religieux, et on aimait que ce disque soit dépouillé du religieux. Mais il continue de tourner dans ma tête et résonne beaucoup avec ce dont il est question ici. C’est le chant de la Sibylle, un chant très ancien, d’origine profane, mais qui a été repris par le christianisme dans tout le nord-ouest de la méditerranée. Dans la tradition profane, c’est un chant qui annonce la fin du monde. Le christianisme en a donc fait un chant sur le jugement dernier. Mais la Sibylle annonce des choses très belles et très étranges. Il y a plusieurs disques de Montserrat Figueras et Jordi Savall sur le chant de la Sibylle, et plusieurs versions de ce chant, en majorquin, en valencien, en catalan. Et c’est un chant qui continue d’être chanté dans les églises de Majorque le jour de Noël. Il est très difficile à chanter, mais ce sont des enfants de choeur qui le chantent, parfois très faux, et la voix principale est souvent confiée à une adolescente que l’on place au premier plan, vêtue d'une toge, et portant une épée dans la main. Ces prophétesses sont traversées par une nouvelle, par un message, porteur d’une fatalité. C’est peut-être cette fatalité qui a marqué mon interprétation. Dans la chanson, comme dans le théâtre, j’aime quand l’interprète est traversé, subit, reçoit ce qui se passe tout autour.
Cette idée de fatalité m’a semblé à moi très politique, comme une fatalité de classes populaires, qui subissent leur naissance, le travail aux champs, la guerre. Même si le chant n’est pas dénué d’émotions bien sûr…
MC : C’est difficile aussi de rajouter des émotions aux émotions. Ce sont des chants très délicats…
Il y a des passages très mélancoliques, des glissements de tonalités qui font des trous dans le cœur…
GC : Dans la musique baroque, la viole de gambe, par exemple, ne vibre pas. Il n’y a pas de vibrato parce que la viole de gambe a des frettes. Le clavecin n’a pas de pédales non plus, et donc, à la différence du piano et du violoncelle, le jeu baroque fait passer l’émotion dans la partition et moins dans l’interprétation. L’interprète doit donner à chaque note son temps de vie pour être juste et passer. Il n’y a pas de sustain ou de vibrato, mais une épure. On est passé à autre chose depuis. "Ajouter de l’émotion à l’émotion ", c’est une idée assez juste dans un voyage dans le temps comme celui que nous avons fait sur ce disque. Dans la musique baroque, l’émotion est à l’extérieur de soi, on n’est pas porteur de toute cette émotion. Dans notre interprétation, le violoncelle n’a pas cette distance avec la musique. Il prend ce rôle-là, d’expression de l’émotion, de manière parfois presque exagérée.
Il a un côté très baroque quand même, mais de manière peut-être un peu archaïque, primitive, dans l’esprit de ces interprètes, comme Il Giardino armonico, ces italiens qui le jouent de manière plus rêche, assez violente, avec des instruments anciens. C’est ta vision du baroque ?
GC : Je n’ai pas de vision du baroque. Mais par exemple, mon interprétation préférée de Bach est celle de Jacqueline du Pré. Elle a eu une vie bien rock’n’roll, homosexuelle, morte très jeune, et qui a un jeu presque faux, qui arrache vraiment ses cordes à l’archet, c’est très intense, vivant. Et ce sont étonnamment des disques reconnus par le monde du classique. Et à l’opposé, j’aime Maurice Gendron, qui est un grand romantique, qui fait vibrer son violoncelle. Et j’aime que ces deux êtres là coexistent. J’ai toujours très peur quand je croise des gens qui disent qu’on doit jouer les choses d’une certaine manière, et en interdisent d’autres. Et dans le baroque, c’est très courant. Il y a des chapelles, et cette idée qu’on doit jouer les choses comme on les jouait à l’époque, ce qui est une aberration : déjà à l’époque, je crois que les instrumentistes n’étaient pas très bons, et en fait on ne saura jamais exactement comment sonnaient ces musiques…
Marion, sur le label Le Saule, qui co-édite ce disque (avec le label de Gaspar, Les Disques du Festival Permanent), vous êtes nombreux à chanter régulièrement dans d’autres langues que la vôtre. C’est Deleuze qui parle du style comme de l’invention, au sein de sa langue maternelle, de la langue majeure, d’une autre langue, mineure, singulière. Il cite les exemples de Kafka ou de Beckett qui ont carrément écrit dans d’autres langues que leur langue maternelle. Ça peut aussi s’appliquer à la musique, bien sûr.
MC : On écoute tous beaucoup de musiques du monde, et on se trouve des affinités très fortes avec des choses bien lointaines. On sait aussi que le chant diffère énormément d’une langue à l’autre, que la voix ne sonne pas de la même manière. Mais il y a certainement aussi un plaisir qui tient à la mise en suspens du sens, et au fait d’appréhender la langue uniquement comme une matière sonore. Ecrire en français était peut-être pour Beckett une façon de commencer à détacher le son du sens, après quoi il a réduit la parole de ses personnages à des soupirs, des grognements, un souffle, avant de l’annuler dans les actes sans paroles.
Marion Cousin et Gaspar Claus, Jo estava que m'abrasava - Chants de travail et romances de Minorque et de Majorque (Le Saule / Les Disques du Festival Permanent).
Crédits Photos : Marion Lefebvre
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