Vous avez tous expérimenté l'interminable attente d'un concert. Un groupe dont vous connaissez l'album à la note près. Vous avez pris vos places trois mois à l'avance, rameuté plus de potes que vous n'en comptez sur vos petites menottes. Et le jour J, c'est l'épic fail, la prestation molle, la magie qui s'envolle. Et pour preuve irréfutable de votre ennui réprimé: Vous avez mal au dos.
On a beau chercher et tenter de raviver la flamme qui nous motive chaque matin à nourir The Drone, rien n'y fait, cette 25ième édition de SXSW à Austin nous reste sur l'estomac.
Pour ceux qui n'y sont jamais allés ou qui voient de loin de quoi il s'agit, SXSW est un peu comme notre fête de la musique nationale, des concerts partout, dans les clubs, les bars, les boutiques, les parkings, les maisons, les épiceries. La différence, c'est que ça dure une semaine et que vous avez plus de chances d'y croiser Wavves et Seth Troxler que Guerilla Poubelle.
A l'origine fomenté par les clubs de la 6th (Dirty Six pour les locaux) pour éviter la fuite des bikinis pendant Spring Break (Austin est le plus grand campus du Texas avec près de 50000 étudiants, imaginez le manque à gagner), SXSW s'est très vite imposé, dès sa création en 87, comme THE rendez-vous de l'indie world. Jeunes groupes, vieux groupes, labels, tourneurs: ce Midem texan s'est malheureusment mué en une énorme machine commerciale motivée par le business, les sponsors et des droits d'entrée au prix relativement exorbitants.
"Chouette" dirons les plus optimistes (nous y compris), "les musiques alternatives ont enfin leur business model" poursuivront les plus souffrants de la crise du disque. Seulement SXSW est devenu un gros Double Whooper indigeste, exactement à l'instar de la musique indé aujourd'hui: plus de sorties que nos petites oreilles ne peuvent ingérer, pour des groupes qu'on retrouvera derrière le guichet d'une banque leurs études terminées. De quoi rêver.
Bien sûr, enormément de bons groupes ont joué à Austin cette année, comme les années précédentes. Mais avec environ 2000 concerts la semaine dernière sur plus de 90 scènes différentes, sans compter le off du festival en journée qui aligne à peu de choses près le même nombre de groupes, imaginez la course, les forces, et l'attention nécessaires pour en ressortir VRAIMENT ravis. Important également, si vous ne vous acquittez pas du fameux badge à 750 $ qui vous permet de griller les monstrueuses files d'attentes à l'entrée des clubs, vous aurez peu de chances de voir le concert d'un groupe ayant reçu une note supérieure à 7 sur Pitchfork.
En revanche, vous pourrez sans problème vous taper jusqu'à écoeurement les lives pathétiques d'ersatz de Foo Fighters célébrant la St. Patrick, ringards à en vomir ses tacos, tous ces groupes dont personne ne parle dans aucun report et qui pourtant constituent la grande majorité de la programmation. Et vous pourrez enfin terminer la soirée à 2h (hiha), à partager une slice de pizza peperroni et un sceau de coca-cola avec vos buddies sur un trottoir. Soit le tableau d'une fin de soirée pitoyable. A deux heures, et si tout s'est bien passé, on n'a certainement pas faim, je suis désolé!
Tout de même, sans rentrer dans le détail, car les reports de concerts c'est quand même ce qu'il y a de pire au monde, on retiendra :
- L'excellent groupe de hardcore Trash Talk, qui m'a valu un énorme coup de tatane dans l'oeil gauche.
- Le post-grunge 90's de Cloud Nothings, et son leader Dylan Baldi qui nous plante purement et simplement une interview, après avoir poireauté pendant une heure qu'il finisse de regarder le concert de The Roots! (on lui laisse une chance de se rattrapper en juin à Paris)
- Titus Andronicus et son chanteur Patrick Stickles, rasé de près, et qui règle ses comptes sur scène avec PASTE qui a fait couler l'encre sur son anorexie. Les nouveaux morceaux sont très mauvais.
- Prodigy de Mobb Deep est vraiment très petit.
- Jesus & Mary Chain sont vieux mais jouent toujours très très fort.
- Asap Rocky n'aime pas qu'on lui balance des canettes dans la gueule et on le comprend.
- Mars Red Sky en a impressionné plus d'un avec leur stoner made in Bordeaux.
- Et en vrac, Django Django, Cults, Maps and Atlases, El-P, SBTRKT, The War on Drugs, Peaking Lights, Danny Brown, on en oublie et on vous passe d'autres sans intérêt vus à l'insu de notre plein gré.
Alors pourquoi ce léger goût amer en rentrant d'un si beau festival dans une ville si magnifique?
Et bien parce que la musique n'y est purement qu'un accessoire et les groupes la dernière roue du carosse. Une foire à la pub pour grosses compagnies (boissons énergisantes, chewing gums, chips, conneries, bricoles, trucs...), prenant soudainement la parole sur le sujet musique pour vendre leur salade à des festivaliers acquis à la cause. Les panneaux publicitaires relèvent plus du viol visuel et auditif que de la simple intrusion (SXSW s'assure d'ailleurs grâce à un méticulleux questionnaire post-festival de l'impact de l'affichage). Paroxisme du ridicule pour étayer notre torchon d'aigreur, le concert de Snoop Dogg en plein centre ville, dans un distributeur de paquet de chips Doritos géant.
Outre sa prestation en homme sandwich, on appréciera également la venue d'artistes archivés au panthéon du mainstream tels que 50 Cent, Bruce Springsteen, Jay-Z (avec American Express), Fiona Apple, Norah Jones, Skrillex et même Jimmy Cliff, tous allechés par les opportunités mercantiles d'un festival à priori centré sur les decouvertes et le marché indépendant. De quoi ravir une belle bande de prix nobels en shorts, portant fièrement la casquette de base-ball à l'envers, et qui ne manqueront pas de marquer cette semaine musicale de leurs beuglements et dégueulis sur 6th Street.
Et oui ladies and gentlemen, ce festival est à l'image de la musique "Indie" d'aujourd'hui. Un monstre ultra-sponsorisé à consommer jusqu'à overdose. Un monde où tous les groupes se valent, avec peu de place pour l'esprit critique. Un monde où tout le monde a quelque chose à vendre, où chaque groupe essaye de sortir du lot et d'obtenir plus d'exposition, pour faire encore plus de concerts et engraisser encore plus de sponsors. Un monde où le public montre si peu d'exigence que le simple fait pour un groupe de monter sur scène est déjà gage d'un concert réussi. Un monde où l'on se dit fan d'un groupe qui se cache derrière une photo de chien-loup sur fond de ciel étoilé et dont on a aimé trois .mp3. Un monde où le rock n'a pas besoin d'être de bonne facture, tant qu'il continue à être déversé en flot constant dans des festivals comme South by South West, mais aussi dans la multitude de blogs qui pullulent sur Internet, le notre y compris. Mea Culpa, mais l'an prochain nous allons à Cancún.
- The Jesus and Mary Chain
- SBTRKT
- EL P. de Company Flow
- Prodigy de Mobb Deep
- Trash Talk
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