"Business sucks ! " Enième cri de colère de Lloyd Kaufman, co-fondateur avec Michael Herz et grand chef de Troma Entertainment. Le petit homme se fait vieux mais ne perd pas son sourire en coin et son indestructible volonté de survivre en indépendant. Ceci, vous pouvez le voir ici, au début de sa petite introduction à Tromeo et Juliet, un des plus grands succès (tout est relatif) de la maison. C'est sur YouTube, c'est gratuit, le film est complet, et c'est sur la chaîne officielle de Troma.
Depuis un mois, la petite maison de production films new-yorkaise, active depuis bientôt quarante ans, championne américaine (ou du monde ?) de la série Z, met gratuitement à disposition plus d'une centaine de films qu'elle a produit ou simplement distribué. Un suicide commercial quand on connait le gouffre financier qu'est Troma (voir l'improbable guide de survie à adapter au cinéma indépendant réalisé par la troupe au festival de Cannes). Cependant, comme nous l'explique Monsieur Kaufman lors de son prologue à Tromeo, il s'agit ici de renforcer le lien essentiel entre artistes et fans, afin de vaincre le "conglomérat du grand média international qui continue de vouer un culte diabolique au géants".
Finalement Troma n'a plus grand chose à perdre, et à une époque où elle n'espère plus beaucoup de la vente de VHS, elle en fait une fois de plus appel à sa botte secrète : l'invasion de la place publique. Du marketing artisanal, comme lorsque la "Tromateam" investit la Croisette pour tourner un remake d'un de ses propres films, répandant sur son passage sang et tripes de pacotille, espérant se faire remarquer des investisseurs du Marché du Film. L'efficacité de la méthode est discutable, mais encore une fois Troma tente le tout pour le tout. L'ouverture de cette nouvelle chaîne YouTube n'est pas seulement emprunte d'un élan magnanime envers les fans, mais marque surtout le désir de Troma de contourner les dures lois de la distribution: Kaufman demande explicitement aux spectateurs sympathisants de lui envoyer de l'argent. Signe des temps, Tromadance, le festival annuel de films organisé par Troma, survit désormais en grande partie grâce à Kickstarter…
Lorsque Tarantino et Rodriguez ont lancé Grindhouse, Lloyd Kaufman s'était outré de la soudaine sollicitation des journalistes. Les films Troma ont bien sûr été projetés dans les vraies grindhouses dans l'indifférence totale de la critique pendant des lustres, jusqu'à ce que cette dernière retourne sa veste avec les sortie de Boulevard de la Mort ou Planet Terror. Dixit le producteur, en Français dans le texte: "Je trouve ça un peu ridicule de dépenser 60 millions de dollars pour réaliser quelque chose qui ressemble à un film fait avec 60.000 dollars seulement. (…) Moi je suis sous-terrain (SIC). Ca ne m'intéresse pas de faire de la publicité pour la Warner, Miramax ou Disney !" Troma aime beaucoup Tarantino, et Tarantino le lui rend bien, mais Kaufman aimerait que celui-ci lui apporte une aide financière plutôt que de se contenter de porter des T-Shirt à l'effigie de la petite maison au Festival de Cannes. "Nous sommes plus célèbres que jamais, mais nous sommes plus pauvres que jamais", affirme Kaufman.
Tout ceci pour encourager les éventuels badauds qui ne se seraient jamais fait une Troma Party entre potes à faire un tour par ici. Il y en a pour tous les goûts. De la comédie musicale, du gore, des zombies, du sexy, de l'adaptation Shakespearienne plus finaude qu'elle en a l'air, du film de guerre, du documentaire, des monstres au coeur plus ou moins tendres…
Finalement, simplement de l'"entertainment" à l'Américaine qui aurait gagné en humour en perdant tout contrôle moral (et tous moyens financiers). On regrette seulement l'absence flagrante sur cette chaîne officielle de Toxic Avenger, le film emblématique de la maison, et dont le héros "Toxie", jeune bouc-émissaire transformé en monstre justicier après être tombé dans un bidon de produit radioactif, est devenu la mascotte de Troma. Mais on ne doute pas qu'avec un peu de jugeotte et de malévolence, l'internaute malin et responsable saura, hum, arriver à ses fins et, le cas échéant, reverser la monnaie de sa pièce aux intéressés.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.