La polémique entourant la déprogrammation du groupe Soviet Soviet du grand rassemblement de la musique indie texan South by Southwest, puis l'expulsion manu militari du pays sans explication, nous a donné envie de voir ce qu'il se passait directement au pays de l'administration Trump aujourd'hui. On a demandé à Victor, patron de Midnight Special Records de nous raconter son périple américain en compagnie de Laure Briard, qu'il accompagnait alors pour se rendre au festival texan lors de sa dernière édition. Au programme : ambiance durcissement des frontières, générosité de l'habitant et showcases à un rythme effréné. 

Victor : "Nous avons été programmés au festival SXSW 2017 via Burger Records (Label de Laure aux U.S.A). En amont, on a reçu pas mal d'infos du festival nous disant par exemple : 'Vous pouvez venir avec l'ESTA mais si vous faites un showcase dans le off, vous risquez la déprogrammation du on.'

Dans un second temps, j'ai reçu un email indiquant "comment faire à la frontière" : regarder le douanier dans les yeux, être clair, mentionner que c'est promotionnel, ne pas avoir de drogue, essayer d'être présentable.

Autour de ça, j'ai bricolé une tournée USA/Mexico avec mes contacts des U.S.A et le promoteur Beyond Music au Mexique (amis de Michelle Blades, guitariste de Laure). Le batteur et Michelle ne pouvaient pas venir, alors on a proposé à la bande du promoteur de jouer avec nous. Ce sont des supers musiciens : en 3 répétitions, c'était bouclé.

DF Show Beyond

Première date à DF, Monterey puis les USA. Nous n'avions pas le budget pour transporter le matériel en avion, donc on a été obligé de passer la frontière en voiture. Nous sommes ensuite passés par une zone rouge, l'état de Tamaulipas (classification du Consulat Français). Des barrages militaires mexicains sur-armés tous les 15 km, avec des véhicules type chars ouverts et blindés de mecs avec des armes qui se déplacent sur la route. Dix kilomètres de barbelés et une zone fermée tout autour de la frontière : tu te prends une bastos direct si tu t'amuses à escalader les barbelés pour y aller.

À la frontière, la stratégie est : "Nous sommes invités par l'ambassade de France pour un événement" et si il y a un problème alors on montre les lettres d'invitations. On a un show à l'ambassade de Houston juste après le passage, ça nous aide. On a caché le matos de musique sous les sacs perso et évidemment on n'a pas de drogue.



Après 1h de bouchon, on tombe sur un latino au poste. Le booker mexicain et lui parlent en espagnol, le mec ne fait pas trop chier. Pour les Français c'est ok, mais pour les Mexicains, c'est une plombe dans un bureau pour demander une autorisation pour voyager à plus de 50 miles environs de la frontière. Sympa... On obtient une autorisation après un interrogatoire. Pendant tout ce temps, interdiction de filmer, d'utiliser son téléphone ou de bouger de la voiture.

Arrivés au Texas, torrent de pluie, drapeaux confédérés sur des maisons. Pour le reste, on joue dans des lieux cool, donc ça va. Les gens de la musique sont très généreux : logement chez l'habitant, achat de pas mal de merch, etc...


House party à Austin 

Je pense que c'est le nom du groupe italien qui a joué. En gros il ne faut pas les rendre curieux, c'est comme s'ils s'appelaient Muslim ou LSD. Chaque flic fait passer des centaines de personnes par jour, ils n'ont pas le temps pour contrôler chaque individu, mais si une chose ne leur plaît pas, ils vont commencer à enquêter. Dans le pays de la chasse aux sorcières, s'appeler Soviet Soviet, c'est risqué.

On avait hâte pour le SXSW, mais on n'y serait jamais allé juste pour le festival, autour les shows sont cool, j'ai aussi demandé une aide du Bureau Export. Beaucoup, beaucoup d'organisation, des rendez-vous avec des "pros", des journalistes (SXSW te communique une liste de mails pro, presse, etc...). Compter 3-4 showcases en 5 jours.

Et c'est aussi l'occas' de retrouver pas mal de potes sur place. 3 showcases plus tard, après beaucoup de rencontres et de découvertes (Boogarins, Lista de Lily, DUMB Austin), nous retournions à Mexico City pour un dernier concert avant le retour à Paris."