Vous aurez probablement remarqué qu'entre deux décès de célébrités, l'actualité musicale de ce début d'année a été dominée par deux nouvelles aux forts relents d'odeur de cave humide : le retour des Guns'N Roses dans son line up originel (sur le papier car dans la réalité, on dirait bien qu'Axl Rose a opéré une transformation type Ranma 1⁄2, et je ne parle pas de la pin-up aux gros yeux) et le retour inattendu de LCD Soundsystem, également dans son line up plus ou moins officiel, comeback pour lequel le gros nounours James Murphy a senti la nécessité de se justifier, voire de s'excuser (ce que notre confrère Lelo Jimmy Batista de Noisey nomme avec plus ou moins de précision "l'ère des gros bébés chauves").
On ne va pas tergiverser des semaines sur les motivations d'un mec qui a passé 5 ans à tenir un bar à vin (au demeurant très sympa d'après les professionnels de la profession) à aller jouer à Coachella, le festival qui est un peu à la musique de qualité ce que Michel Houellebecq est à Justin Bieber (l'antithèse, donc). Mais il est bon de se rappeler l'importance du groupe new-yorkais et le tour de force qui l'a vu remplir des stades sans que personne ne voit arriver son succès. James Murphy et son label DFA ont incarné pendant les années 2000 une sorte d'aristocratie indie.
Alors certes, depuis 2013 Murphy et Goldworthy (l'autre actionnaire du label) passent plus de temps à s'engueuler sur les ronds et à râcler les fonds de tiroirs qu'à sortir des classiques (même si la signature d'Essaie Pas devrait leur permettre de retrouver un peu de panache), mais ça ne doit pas nous faire oublier qu'en un peu plus de 10 ans, Murphy a défini les contours d'un crossover encore plus casse-gueule que la plupart des autres crossovers : le dance rock.
LCD Soundsystem - All My Friends (Live at Madison Square Garden)
07:17
N'importe quelle personne un peu censée vous le dira, utiliser une batterie et des guitares pour faire de la musique dansante est probablement l'idée musicale la plus foireuse depuis les chansons en français avec des refrains en anglais. Dans cette quête étrange de faire danser les foules houblonnées avec des « vrais » instruments, deux tendances se dégagent. La première jouée par des bœufs pour des beaufs (ou l'inverse) organisée autour du même schéma : un kick de batterie compressé comme vous et moi dans la ligne 13, une ligne de guitare avec du delay vaguement chippé chez un Ethiopien, un arpeggio italo disco, des claps de boite à rythme et un chanteur qui sait jouer aucun instrument qui raconte qu'il couche avec des meufs en boite le soir (des fois ça le rend mélancolique cependant). La seconde jouée par des arrachés pour des freaks (ou l'inverse) ne parvient généralement pas vraiment à faire danser les gens mais le public averti admire leur talent de composition et les gens qui écoutent encore des CD's vous bassinent avec ce groupe influent de la scène de Washington à qui Foals a tout piqué (oui je parle bien de
Supersystem). Cette dernière est plus excitante sur le papier car au lieu de découler de l'écoute immodérée des breaks de U2, elle va plutôt se nourrir dans ce qui constitue la sève de LCD Soundsystem : le funk blanc, la no wave et les trucs discos chelous joués par des mecs à duvets de moustaches.
Peter Gordon & Love of Life Orchestra - Beginning Of The Heartbreak / Don't Don't
08:59
A cet endroit précis, il faut reconnaître à Murphy une vraie honnêteté. Car sans les rééditions de
Peter Gordon, Liquid Liquid ou
Arthur Russell, on doute franchement que les soirées after works au Sans Souci auraient eu la même teneur musicale. Le Bill Murray de la musique a pillé tranquilloubillou ses disques préférés (il ne s'en cache pas) mais participé à créer un vrai pont entre l'underground avec lequel il a grandi, ses idoles mainstreams (David « Trending topic » Bowie, Talking Heads, Eno) et vous et moi, les petits culs blancs qui forment le public de base de son groupe.
(Mention spéciale au passage au groupe qui a réussi le tour de force de passer de la 2e à la 1ère catégorie puis devenir un inquiétant mélange de Papa Roach et Sigur Ros : Foals, l'exemple typique du truc embarrassant que vous avez mis dans votre top 2008.)
Là où tous les groupes dance punk se sont généralement arrêtés au stade de la salle de 80 personnes pas tout à fait remplie (citons dans le désordre de l'histoire : Arab On Radar, Moving Units, Mi Ami et les Français de Loisirs), LCD Soundsystem a réussi à toucher au succès grand public grâce à une prod léchée comme mes doigts après l'absorption d'un Snickers en sortant de boîte et surtout des tubes malins, ironiques ce qu'il faut mais qui ne prennent pas non plus les moins de Bac+8 pour des demeurés.
New York I love You
05:42
Pourquoi lui et pas les autres ? Peut- être justement parce que c'est sa culture musicale qui l'a sauvé et qu'en assumant ses emprunts autant que sa bedaine, le répertoire de LCD a réuni les rugbymen de la 3e mi temps, votre pote fan de Fugazi, les filles en Stan Smith et les graphistes en Yeezy Boots. Ça n'a malheureusement pas été le cas de tout le monde et on peut citer les naufrages plus ou moins récents de pas mal de potes de cheval de LCD Soundsystem (The Rapture, Radio 4, Liars, Yeah Yeah Yeahs et autres Death From Above 1979). Ce qui ne fait que renforcer la vision beau gosse du parcours de Murphy.
Donc à la question "LCD Soundsystem et son doudou de leader reviennent-ils pour le blé ? ": la réponse est "Oui." A celle de savoir si on ira les voir en 2016 : la réponse est "Oui." aussi, sauf s'ils sortent un album de « post rock sévèrement burné ».