Ian McKaye et Jeff Nelson (Minor Threat, Teen Idles) dans la Dischord House
Si vous avez grandi à la fin des années 80 et pendant les années 90, en particulier dans une petite ville de province, il y a fort à parier qu'entre deux séances de ollie sur le parking d'Intermarché et deux gorgées de mélange vodka Kas citron, vous rêviez de grandes métropoles américaines. Parmi elles, Washington pouvait se targuer d'avoir vu/provoqué la naissance d'un punk rock doté d'une éthique forte, politique et du fameux DIY (qui deviendrait 30 ans plus tard un hashtag pour les blogs modes).
Le punk avait son royaume et la Dischord House, qui hébergeait le label du même nom, était son château. Poussant le concept de scène locale à son degré ultime en ne signant quasiment que des groupes du quartier, le label mené par Ian McKaye a pourtant rapidement fait preuve d'une ouverture d'esprit assez folle, ne se cantonnant pas aux formules punk hardcore qu'il avait contribué à définir. En laissant une liberté totale à toute une communauté de musiciens têtes chercheuses des musiques distordues, Dischord a aujourd'hui en sa possession un panorama unique du punk hardcore et de ses étiquettes dérivées (noise rock, free jazz, metal, indie pop, folk). Une musique à la force souvent imitée mais rarement égalée.
Les nombreuses sorties du label étant disponibles sporadiquement sur les plateformes Internet, la nouvelle de l'arrivée de la discographie Dischord sur Bandcamp (plateforme punk friendly par excellence) arrive à point nommé pour se replonger dans l'esprit d'une étiquette ayant écrit certaines des plus belles pages de la musique américaine à guitares de ces trois dernières décennies.
Retour sur quelques albums, pas forcément les plus connus, sortis par Dischord ci dessous. Tout le reste, plus classique (Fugazi, Minor Threat et autres Rites of Spring), s'écoute et se réécoute ici avec autant de bonheur.
BLACK EYES
Actif pendant seulement 3 ans, Black Eyes jette un pont entre la no wave jazzy new yorkaise et l'énergie noise rock de la fin des années 90. Les structures free alternent avec des coups de boules en descendance directe de The Jesus Lizard et Big Black. Léger, malin et puissant, Black Eyes est un groupe un peu comète mais représentatif du versant le plus expérimental de l'esthétique hardcore du début des années 2000. A noter qu'un des membres continue sa carrière au travers d'un projet bien connu des lecteurs de The Drone : Ital.
ANTELOPE
Justin Moyer est un suractif typique de la scène de Washington. Malheureusement pour lui, il est souvent passé bien trop en avance de modes et revivals qu'il a contribué à lancer. Avec El Guapo devenu Supersystem avec une signature chez Touch & Go, il a écrit avant tout le monde une belle page du dance rock. Celle là même qui a permis à Foals, Hot Chip ou Lcd Soundsystem d'encaisser de jolis chèques de royalties. Avec Antelope en 2008, dont l'album a été produit par McKaye, il revient à une musique plus rêche et minimale. Un post punk teinté de rythmiques afro, qui huit ans avant le raz de marée du revival kraut actuel, rappelle la place prépondérante de la musique répétitive et tribale dans le punk rock moderne.
FARAQUET
Avec Faraquet, Dischord met à jour un des groupes les plus influents (quoique plutôt méconnu) de la scène post hardcore américaine. En réussissant le tour de force du gimmick mélodique soutenu par des structures math rock, le groupe de DC fait la jointure entre deux périodes et ouvre la voie royale à toute une génération de post rockers en devenir appelés à remplir les stades par la suite (Explosions in The Sky et autres Russian Circles en tête). Les vocalises emo sont une jolie photographie du rock de 1998.
SOULSIDE
Oldschool baby! Soulside, formé en 1986 et découvert par la petite soeur de Mckaye, joue un post hardcore typique des premières années du label. Vocalises punk mélodique (les fans du Against Me! première période devraient apprécier), breaks sing alongs et paroles politiques, Soulside (encore dans son jus malgré un son remasterisé) fleure bon les house shows et les canettes de bières chaudes. A ranger pas trop loin de vos disques des Replacements. A noter que ce groupe donnera naissance à Girls Against Boys, autre gros dossier 90's qui mérite beaucoup mieux que les oubliettes dans lesquelles il croupit actuellement.
HOOVER
Si beaucoup de groupes de DC sortis chez Dischord ont eu une existence aussi éphémères, c'est justement car le label attirait autour de lui toute une pelletée de musiciens, s'unissant le temps d'un album et ne se laissant pas endormir dans des plans de carrières foireux. On a fait un putain de disque, pourquoi en faire un 2e raté? C'est un peu le cas de Hoover, groupe culte parmi les groupes cultes qui (je l'imagine) a marqué pas mal de groupes par chez nous (de Drive Blind à Prohibition). La force du groupe, ce sont ses riffs de guitare presque doom et ses dissonnances rappelant des cousins américains hautement recommandables (The Melvins ou Unsane). Bref, c'est une grosse balle.
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