(c) Emile Pino
Nous avons déjà exprimé en ces pages une certaine méfiance vis à vis des rapprochements douteux entre musique contemporaine, classique et électronique. La vulgarisation de gestes radicaux passant souvent par une relecture simpliste et caricaturale des intentions premières, on continue de grincer des dents plutôt deux fois qu’une quand tel ou tel échappé de la techno minimale semble vouloir titiller la musique minimaliste ou pire les gammes baroques de la "grande musique". Pourtant lorsque l’invitation à la nouvelle Cité Musicale de Metz, soit un équipement censé motiver les rapprochements entre musique électronique actuelle et répertoire contemporain et classique, est arrivée, l’occasion était trop belle de voir en action cette démarche qui nous pose tant question.
Nous partions d’un bon a priori sur le climat artistique de Metz, une ville avec laquelle The Drone entretient une certaine histoire, de notre épisode récent d’un bac à disques consacré à La Face Cachée en passant par notre suivi des acteurs locaux plus ou moins décadents (Triple alliance, Kito Kat etc.) ou une soirée carte blanche offerte par Les Trinitaires il y a quelques années… Et c’est justement par cette salle de concerts installée dans un ancien couvent carmélite que commence notre visite du nouveau complexe de création musicale situé à Metz. Cette salle à l’architecture forcément spéciale respire une histoire artistique forte, on nous souffle à l’oreille qu’Archie Shepp à une époque où les jazzmen s’y produisaient en lieu et place des groupes indés actuels venait y jouer très souvent jusqu’à pas d’heure. On se rend ensuite à l’Arsenal, équivalent de notre Philarmonie de Paris locale, qui forme le deuxième tiers de la Cité Musicale de Metz. Si l’on ne verra pas en action les scènes dont la qualité acoustique est apparemment assez folle, on a pu visiter les salles offertes aux musiciens et danseurs pour leur résidence de création. Cela tombe plutôt bien puisque notre visite était motivée par deux évènements : Le concert de Plaid annonçant la sortie de résidence du musicien luxembourgeois Francesco Tristano après quelques jours de travail à Metz.
(c) DR
On se rend donc en début de soirée à la BAM, nouvelle salle en forme de bloc de béton lumineux installée plutôt discrètement au coeur des barres HLM dans le quartier de Borny. Le festival Freeeeze, organisé par le collectif Boumachaka investit la ville depuis quelques années avec des soirées thématiques qui ont la bonne idée de taper large mais de rester homogènes en termes d’esthétiques. Si les kids de la cité d’à côté ont visiblement été ravis de la soirée Sofiane et Alkpote organisée il y a quelques jours par le festival, la salle est clairsemée pour accueillir les vétérans Plaid et c’est bien dommage. A trois avec un guitariste maniant solos vaillants metal et nappes shoegazes, les papas de l’electronica assurent un show son et visuel dépassant largement leurs descendants, Clark en tête.
Tristano de son côté semble attirer davantage de monde et c’est devant une salle aux deux tiers remplie qu’il entame la restitution de P:anorig, crée à Metz donc et présentée pour la première fois. Le pianiste classique dont le travail avec Aufgang ne nous avait jamais terrassé de passion prend ce soir les manettes d’un dispositif scénique inédit. Avec un set up à 360 °, il évolue entre les claviers reposant sur une machinerie plutôt réussie, sorte de version revisité par HR Giger d’un mobilier épuré scandinave. Plutôt que parler déco, concentrons nous sur la musique qui, bonne surprise, se cantonne aux inspirations techno du musicien. En jouant la carte mélodique tout en axant ses intentions sur la danse, il donne à écouter 1H30 de musique électronique moderne et maline qui convoque les meilleurs moments du projet Audion de Matthew Dear.
(c) Emile Pino
Si l’on regrette parfois quelques passages bêta et inutiles (qui trahissent un show plus taillé pour les festivals XXL que les salles de concerts de 500 places), on ne peut que lui reconnaître une science de la composition certaine et l’envie de mettre de côté sa virtuosité de musicien formé au conservatoire. En conclusion, on ne jettera qu’un oeil lointain au DJ set Ableton de Max Cooper, qui peine quelque peu à garder les danseurs face à lui.
En résumé, on ne peut donc que louer les efforts des équipes derrière la Cité Musicale de Metz qui tente de concilier moyens conséquents et inventivité. Cette nouvelle structure évite ainsi l’écueil de pas mal d’établissements publics qui, à force de rechercher l’approbation du grand public finissent par se noyer dans une simplification inutile du message créatif et ce plutôt que de faire confiance à l’intelligence du public et des artistes. Un des membres de l’équipe nous confiait se méfier du label SMAC (Salle de Musique Actuelles), on ne peut que lui donner raison dans ce cas précis.
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