C'est au Mans, en 1997, que Matthieu Choquet, alors disquaire, lance Bokson, l'ancêtre papier de l'actuel Mowno. Si le nom, le format, le mode de diffusion et la taille de l'équipe ont changé avec les années, l'idée reste aujourd'hui fondamentalement la même : parler avec passion de musique au sens large, créer ses propres canaux de diffusion, accompagner les scènes et les artistes qui en valent le coup sans réfléchir en terme de bénéfices, de part de marchés, de politicaillerie d'annonceurs et de maisons de disques.
Après 20 ans passés à parler noise, math-rock, abstract hip hop et electro casse gueule, à organiser ses fameuses Mind Your Head et à tracer tranquillement son chemin en marge de la grosse industrie, on fait le point avec Matthieu sur ses diverses expériences sur la scène indé française, avant de le retrouver en chair et en os ce week-end à Petit Bain pour le 18ème Mind Your Head.
Tu peux nous raconter d'où tu viens, quand et comment tu as commencé Mowno ?
Aujourd'hui comment fonctionne le média ? Quel est ton modèle économique ?
Le modèle économique est simple : on limite les coûts au maximum, et on couvre nos frais seulement via le très peu de pub qu'on vend sur le site. Hors de question pour moi de polluer nos pages avec des publicités de marques qui n'ont rien à voir avec la musique et donc avec nos lecteurs. A moins qu'ils fassent un gros chèque, qu'ils ne font jamais parce qu'on n'est pas les Inrocks ou Konbini. Donc c'est vite réglé. On travaille surtout avec des tourneurs, des labels, ou des festivals, et ca nous va bien vu que ca permet de couvrir le minimum nécéssaire. Faire de l'argent n'est pas le but chez Mowno, sinon on n'existerait plus depuis bien longtemps. Tout le monde est bénévole, moi compris. Si ca fonctionne, c'est seulement grâce au temps qu'on y passe, à l'attention qu'on y met tous pour en faire un média crédible, et à la passion de la quinzaine de contributeurs qui m'accompagnent désormais, et qui ont comme seule motivation le plaisir d'écrire, de faire découvrir et de prendre part à l'aventure. Je trouve ça beau, parce que quelque part ca fait subsister ma motivation de départ, cet état d'esprit qui m'attirait. Je les remercie énormément au passage.
Mowno a été initialement très lié à la scène noise rock, DIY. Puis a ouvert son spectre vers d'autres musiques. A quoi ce changement correspond?
En 20 ans comment as tu vu l'évolution du monde de la musique et celui des médias? Je crois que tu travailles aussi à côté dans une maison de disques ?
Au-delà de la révolution des supports, c'est peut être cette évolution qui me parait la plus criante dans le monde de la musique : les artistes sont de plus en plus nombreux grâce à une exposition infiniment plus accessible via le net, mais durent de moins en moins parce la quantité nuit finalement à l'originalité. Heureusement, il y a bien encore quelques exemples pour me contredire, mais il faut le plus souvent aller les chercher bien profond au sein de la scène française pour les trouver. Là où, comme par hasard, l'argent est absent, et où la réussite ne tient qu'à l'huile de coude, à la persévérance, à l'humilité, et à une forte personnalité artistique. C'est dommage qu'ils n'en récoltent pas les fruits, mais ce n'est que justice puisque c'est d'eux que viennent finalement les meilleurs disques.
Tu peux nous parler de la programmation des 20 ans à Petit Bain ?
La chose dont tu es le plus fier et ton regret le plus fort qui ont marqué ces vingt années?
Des regrets, je pourrais certainement en trouver si chacun m'avait laissé comme un coup dans l'aile. Très sincèrement, je n'en ai pas, je regarde toujours devant, en remettant le passé aux mains du destin. Après, ok, je ne ferai jamais cette Mind Your Head au Bataclan avec Fugazi, The Ex et Shellac. Mais bon... (rires) Plus sérieusement, on peut toujours mieux faire, mais ce sont plutôt les fiertés qui m'encouragent à poursuivre ce qui est ni plus ni moins devenu ma vie, mon identité. Celle d'avoir réussi à imposer Mowno dans le paysage de la presse musicale française à la seule force de ma passion en est une, tout comme celle de voir mon équipe fière et motivée à l'idée de faire de Mowno ce qu'il est aujourd'hui et ce qu'il sera demain.