L'histoire d'Adam X est celle d'un mec en avance à tous ses rendez-vous. Avant de poser les premiers jalons de la techno industrielle, Adam était un graffeur brooklynite désoeuvré de la fin des années 80. De retour d'une free party britannique, son grand-frère Frankie Bones lui met le pied à l'étrier en mettant à profit sa connaissance aiguisée des portions perdues de leur coin de New-York pour y organiser les Storm Raves, soit les premières raves illégales de la côte Est des Etats-Unis, qui verront passer Josh Wink, Sven Vath, Plastikman ou The Horrorist.
Au milieu des années 90, déjà lassé des bleeps acides qui envahissent le monde, Adam se tourne vers des sonorités plus froides et minimales, ouvre Sonic Grooves, à la fois disquaire et label basé à deux pas des Twin Towers, sort des disques chez Wax Trax ou Drop Bass Records sur lesquels il sonde avec application la face la plus violente et décharnée de la techno. Le début des années 2000 marque pour lui un double tournant : le traumatisme du 11 septembre qui finira par lui faire quitter New-York et la découverte et l'exploration en profondeur de l'EBM et de la musique industrielle. Proche de son éthique sombre et radicale, ce retour à un pan mal connu de l'hisoitre de la musique électronique lui permet d'expérimenter une nouvelle approche de la techno dont il a de plus en plus de mal à supporter la nouvelle direction tech-house middle tempo, très loin de son goût pour les patterns arides et les rythmiques froides et violentes. Entre conversation et cours d'histoire à l'heure où l'EBM a de plus en plus le droit de cité, 5 questions au plus industrieux des producteurs techno.
Quand tu évoques ton départ de New-York pour Berlin au milieu des années 2000, tu parles plus du 11 septembre et de ses conséquences plus que du retour au premier plan de l'indus en Allemagne. A quel point la ville a-telle été affectée par l'effondrement des Twin Towers, dans ta perspective d'artiste, de label manager et de noctambule ?
AX : Ca a été très dur. Le 10 septembre 2001 j'étais l'heureux propriétaire d'une boutique de disque respectée, établie et prospère. 24 heures plus tard je me suis levé au beau milieu d'une zone de guerre où 3000 personne venaient de mourir en un instant, où deux bâtiments qui étaient les étendards de ma ville avaient disparu en un instant. Aucune personne saine d'esprit n'avaient la tête à aller faire la fête dans les mois qui ont suivi le 11 septembre, personne n'avait la moindre envie d'acheter de disques non plus. On était tous en état de choc. Le tourisme a décliné vertigineusement, l'euro est apparu ce qui a créé une hausse énorme du prix de tous les disques d'import, et pour empirer encore la situation, l'internet à haut-débit est apparu, en même temps que les premiers softwares pour DJ - tout était donc quasiment gratuit - et mon proprio a doublé le loyer de la boutique à cause de la gentrification de New-York. En 2004, j'ai mis la clé sous la porte et plié bagages. En dehors de petites fêtes qui se tenaient dans des bars, la ville a mis quasiment 10 ans à se remettre totalement et à retrouver une scène vibrante et dynamique.
Il y a une portée quasi-politique dans la musique industrielle et l'EBM des origines, dans leur volonté de se réapproprier leur environnement proche pour le détourner, le subvertir, tendre un miroir fidèle mais sali à la réalité. C'est quelque chose qui est vrai dans la techno aussi selon toi ?
AX : Je touve compliqué de déceler un message politique dans une musique dépourvue de paroles. La musique industrielle et l'EBM ont des paroles, c'est là qu'est leur essence politique. En revanche je ne vois pas où se nicherait le contenu politique de la techno. La techno est hors du monde, comment tu pourrais faire passer un message avec des bleeps, des pads, des lignes de basse et des rythmes ? Le propos de la techno c'est de se perdre dans le son, de quitter la réalité. Quand j'écoute de la techno c'est pour me couper de mon environnement direct, dans ces moments-là la politique est la dernière des choses que je veuille avoir à l'esprit. Et pourtant, crois-moi, je suis quelqu'un de très conscient de l'emprise de la poltique sur ma vie quotidienne.
J'ai écrit des morceaux chantés comme "Media Lies" ou "Packard Plant" dont le contenu est très politique. Mais ce ne sont pas des morceaux destinés au public techno, et je n'attends pas qu'ils soient joués dans des clubs ou des raves.
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