(c) J. C Hernandez
Artiste pluridisciplinaire, Franck Vigroux emprunte depuis maintenant plus de vingt ans les chemins de traverse de l'art sonore, de la musique noise, du spectacle vivant, de la musique électroacoustique ou encore de la performance audiovisuelle, érigeant un pont entre ces disciplines et ces matières pour en tirer un suc vivant, car en perpétuel mouvement. On se souvient de sa participation l'année dernière à la relecture du Radio-Activity de Kraftwerk avec le projet Radioland. Cette fois, il revient avec Centaure, performance audiovisuelle initiée avec le vidéaste Kurt d’Haeseleer et qu'il présentera pour la première fois dans sa forme actuelle en France ce soir, après des passages remarqués, notamment au Mutek de Montréal. Se présentant comme "un safari numérique dans l'anthropocène de notre futur", la pièce offrira les compositions abrasives de Vigroux, sur les images décharnées du vidéaste Kurt d'Haeseleer. On a posé cinq questions à Franck Vigroux avant la performance de ce soir et de demain à la Grande Halle de la Villette, et on en profite pour écouter un morceau spécialement composé pour l'occasion, "2042", entre power electronics cataclysmique et décape post industrielle.
Comment est né ce projet et comment as-tu rencontré Kurt d'Haeseleer ?
Le projet Centaure est le 4e que je co-écris avec Kurt, dont j'admirais le travail, et que j'ai découvert à travers sa pièce Friction il y a plusieurs années. Les autres projets s'appellaient Aucun Lieu, Ruines, et prenaient la forme de spectacles pluridisciplinaires, avec des danseurs, des comédiens. Là, avec Centaure, on est vraiment dans la performance live pure. En 2014 j'ai fait un disque qui s'appelait Centaure (sur Cosmo Rhythmatic, le label de Shapednoise, NDLR). On a voulu faire un travail audiovisuel à partir de cette musique, de ce LP, et finalement j'ai construit de nouvelles pièces, de nouveaux morceaux, mais le nom est resté le même.
Le but est-il d'offrir avec cette performance une sorte d'expérience de musique augmentée, ou est-on dans autre chose?
Non, tout le projet s'équilibre totalement entre ce que je vais offrir et ce que Kurt va proposer. Le but est d'être dans un équilibre maximal, une écriture commune.
Penses-tu que la consommation de la musique se dirige de plus en plus vers une forme de transdisciplinarité généralisée, à l'heure où Internet offre de plus en plus de possibilités (playlists, etc...), de flux, de dématérialisation, et donc aussi un peu de désinvestissemrent de la part de l'auditeur ?
Je ne sais pas. C'est vrai qu'il y a une émergence, une vraie vague de projets audiovisuels aujourd'hui, je trouve ça très bien, mais en même temps ce ne sont pas des propositions nouvelles. Iannis Xenakis faisait déjà ça, par exemple, même si aujourd'hui, la question du numérique est vraiment mise en avant. Ce qui m'intéresse c'est de voir des œuvres avec des concepts forts, le décor ne m'intéresse pas. Et pour ce qui est du concept de Centaure en lui-même, je pense qu'il faut venir le voir pour le saisir, car il est avant tout immersif.
De quand date ton goût pour le bruit et les saturations? As-tu remarqué que ces sonorités-là étaient de plus en plus acceptées ? Comment peux-tu l'expliquer ?
Oui, bien sûr, j'ai remarqué que les gens étaient plus réceptifs à ce genre de propositions, notamment un public plus jeune, plus ouvert. Je me souviens d'une grosse soirée au festival CTM à Berlin où j'ai remarqué qu'il y avait cette tendance. Mais pour moi, la noise, ce n'est pas vraiment ça, c'est plutôt Whitehouse, Merzbow. Là, il y avait des beats, on est déjà dans autre chose. Mais je pense que d'une manière générale, on offre aujourd'hui plus d'infrastructures propices à ce genre de musique, rien qu'au niveau de la qualité du son qui est bien meilleure qu'avant, et qui permet peut-être de plus entrer dedans.
Quels sont tes prochains projets ?
Je travaille sur un nouveau spectacle transdisciplinaire qui va s'appeler Flèche avec des artistes visuels, mais aussi faire vivre le projet Centaure. J'ai un duo avec Mika Vainio que je vais continuer, mais aussi un autre projet qui s'appelle Tempest, en collaboration avec Antoine Schmitt.
Franck Vigroux & Kurt D'Haeseleer présenteront leur performance audiovisuelle Centaure ce soir et demain soir à La Villette. Toutes les inforamtions sont disponibles ici.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.