Si vous avez déjà pris par hasard le métro à la sortie d'un concert de Cradle Of Filth ou Lady Gaga, vous vous êtes probablement demandé ce qui vous arrivait et qui étaient ces gens qui semblaient guidés vers une lumière divine, le sourire aux lèvres et un air ahuri d'illumination sur le visage. Sans aucune ironie ou mépris, c'est avec ce genre de scène que j'ai fait ma première expérience sectaire de la musique (si on excepte la constitution des tops de fin d'année chez The Drone, bien entendu). Car après tout qui peut mieux comprendre une star adulée par des cinglés qu'un mec qui se prétend le fils de Dieu, des étoiles ou de je ne sais quelle bêtise? Petit tour d'horizon de cette relation musiciens et gourous de sectes, aussi évidente qu'effrayante (première liste sélective et non exhaustive)
La Scientologie, Beck et Air
Air - 10 000 Hz Legend - Electronic Performers (1)
05:36
En 2001, Air sort
10 000 HZ Legend, son disque que personnellement je trouve le plus abouti , le dernier audacieux musicalement de sa discographie (mais aussi assez paradoxalement un de ceux dont le son a le plus mal vieilli). En plein fantasme américano-ricain, le duo français, quelques années avant le succès de Phoenix, réalise à L.A. un disque rétro-futuriste avec les musiciens de Beck dont le bassiste Justin Medal-Johnsen, que leur a présenté celui-ci. Ces deux derniers étant des scientologues convaincus, il se murmure un peu partout que les deux Versaillais ont rejoint la secte. Beck, dont la carrière depuis les années 2000 est en berne créative, est en train de devenir le pendant musical de Tom Cruise. Il s'agit de servir l'Eglise et non plus de défricher des terres musicales inconnues. Et pour cela, mieux vaut jouer les folkeux sages que les losers tordus
qui vantent les mérites du crack. Heureusement, les deux Français semblent avoir retrouvé leurs esprits en même temps que le numéro de Jarvis Cocker et leurs DVD de Mélies. Tout le monde est à peu près gagnant (sauf la musique, pourrait-on arguer) et on évite ce genre de folie furieuse commise par le frère de Johnny Winter:
Mission To Earth, sorti en 1986 en l'honneur de l'Eglise et composée de textes de son créateur:
the infamous L. Ron Hubbard.
Boards of Canada et les Koreshiens
Boards of Canada - 1969
04:21
Il y a bien sûr fort à parier que Michael Sandison et Marcus Eoin ont fait le choix du semi-anonymat parce qu'ils n'avaient pas trop envie de se faire emmerder, a fortiori durant les Années
selfies (on les comprend). Le morceau "1969" (tiré de
Geogaddi, et que j'espère vous êtes en train d'écouter) a été composé en référence à Amo Bishop Roden, la femme de
George Roden, qui fut le grand rival de
David Koresh à la tête de la secte de Waco (rappelez vous le FBI, le ranch, les flammes). Le sample de voix vocodorisé évoque cette muse des gourous texans
"Although not a follower of hseroK divaD" (David Koresh, à l'envers), "she's a devoted Branch Davidian". La fascination des deux Ecossais est telle qu'ils y avaient fait déjà référence deux ans auparavant sur l'EP
In a Beautiful Place Out in the Country, dont le titre est tiré d'une de ses citations, et qui comporte un morceau du nom de la muse texane. On imagine que les deux gaillards de Boards of Canada étaient devant leur télé le jour où Miss Roden déposa des slogans davidiens sur les lieux des attentats d'Oklahoma City. Fait bonus: il paraîtrait que Koresh aimait beaucoup gratouiller pour ses fidèles devant un mur de Marshall. Finalement tout se rejoint.
Dennis Wilson, La famille de Charles Manson et Bobby Beausoleil.
Celui ci est un classique, Charles Manson étant probablement la rock star des gourous de secte. Ce qu'on sait moins, cest que c'est Dennis Wilson, batteur des Beach Boys (et auteur
d'un des plus beaux disques du millénaire) qui le présenta à Roman Polanski, ce qui mena à la fin tragique que l'on connaît. Fan invétéré des Beatles, Manson a commis quelques albums finalement assez banals, qui semble-t-il ont influencé Vincent Gallo pour la composition de
When (et pour quelques-uns de ses choix capillaires). Mais le musicien le plus intéressant à être sorti de cette bande qui sonna le glas des années patchouli est sans aucun doute Bobby Beausoleil. Incarcéré à vie pour avoir poignardé un mec qui devait de l'argent à la Family et avait vendu de la mescaline de sale qualité à Charlie, Bobby, en passant à l'acte, marqua le début de la folie meurtrière de nos hippies aspirants rock stars qui fascinaient tout ce que la scène musicale comptait de hipsters à l'époque. Beausoleil, qui fricota peu de temps avant de sortir du droit chemin avec la première mouture de Love, se consacre depuis les années 1970 à son Art. C'est lui qui a composé la B.O. du
Lucifer Rising de Kenneth Anger, enregistrée avec un groupe formé de prisonniers appelé "The Freedom Orchestra" (qui a dit que les Américains n'avaient pas le sens du second degré?). Si vous aimez les syntheries ésotériques et fumer des joints en pensant à Satan, c'est sans aucun doute la B.O. parfaite de vos après midis d'hiver.
Bobby Beausoleil (Usa, 1980) - Lucifer Rising (Full Album)
43:35
Christopher Owens et les Enfants de Dieu.Christopher Owens, avant de fonder Girls et devenir mannequin pour Heidi Slimane (et surtout bien avant de tenter de reformer les Village People dans chacune de ses photos presses) a déambulé à travers le monde avec ses parents, tous les deux membres de la secte The Children of God, renommée par la suite The Family (Vice y a consacré un long article
ici ). On peut donc supposer que ses longues années d'addiction aux drogues dures ont un lien avec le fait que le blondinet ait été obligé de parcourir les routes et chanter dans la rue les louanges de la secte pour gagner quelques sous à la manière d'un bon vieux Rémi Sans Famille (même si en l'occurrence, côté famille, il avait de quoi faire). A noter également que Jérémy Spencer, qui fut guitariste un temps de Fleetwood Mac, quitta le groupe pour rejoindre la secte dont il fait toujours partie aujourd'hui. Ce qui passait par la tête des gens dans les 70's quand même, ma bonne dame. Pour revenir à Chris, rassurez vous, il va beaucoup mieux. Après la secte, il a été reccueili par un milliardaire, puis par Ariel Pink et Holy Shit.
Les mormons du punk straight edgeJ'adore écrire des choses comme "Les Etats-Unis terre de contraste et de contradiction". J'ai l'impression d'être Bernard de Villardière sur une moto. Et de la moto au gang, il n'y a qu'un pas que je franchis allègrement avec l'évocation des gangs mormons de L'Utah qui apparemment pullulent dans la scène punk hardcore locale. Complètement en adéquation avec le mode de vie mormon (en apparence du moins), le mode de vie SxE semble avoir été pris trop au sérieux par des petits fanatiques qui en suivent les préceptes comme Ulysse 31 suivait sa destinée: avec détermination mais sans trop réfléchir. C'est ce qui conduisit en 1996 deux straight edgers de Salt Lake City à poignarder un mec qui avait osé fumer une clope à un concert punk HxC. Rassurez vous depuis s'est formé un gang rival, non religieux, qui répond au doux nom de SMP pour Smoke More Pot. Ian McKaye a condamné ces comportements. Si Fugazi repart en tournée (on peut toujours rêver) ce ne seront probablement pas les petits mormons qui en profiteront.