Qu'il est dur à cerner Four Tet. Capable de remixer Sia ou Eric Prydz comme d'attaquer de font le Muslim Ban ou de produire les disques des supercalifragilisticexpialidocious Suburned Hand of the Man, Kieran Hebden est capable du meilleur comme du pire (comme un paquet de ses contemporains vous me direz). La facette avec laquelle il renoue sur ce nouveau long format New Energy appartient sans aucun doute à la première.
Premier bon point de ce nouvel album, il renonce à toute velléité club music vulgos pour explorer les climats sophrologiques de la musique ambient des années 70/80(pensez ici Laraaji, Eno, Cluster).
Deuxième bon point, Four Tet n'a pas fait un album en forme d'exercice de style et les amateurs de sa musique retrouveront ce qu'ils ont aimé chez lui depuis Fridge: les climats de post rock électronique, les arpeggios minimaux et les pieds bien gras qui donnent une incarnation charnelle à ses sonorités parfois assez arides. Nouveau public, ne partez pas, il y a quand même un deux passages un peu pouet pouet pour danser torse nu avec la cravate sur la tête.
Dernier bon point qui emporte l'adhésion (la mienne en tous cas), Four Tet a composé cet album sur un petit laptop, sans synthé couteux et probablement sans mastering (puisqu'il a avoué récemment avoir abandonné cette pratique) et prouve que la musique électronique de qualité est toujours plus une question d'idées et de liberté que d'analogique couteuse et de discours esthétique ronflant.
Adrien Durand
Si le constat est toujours le même - en gros, tout va mal et nous sommes foutus à plus ou moins brève échéance - la production musicale d'aujourd'hui se divise en deux grandes catégories : d'un côté les albums qui ajoutent du chaos au chaos du monde, qu'ils cherchent à souligner son absurdité, sa dureté ou son iniquité, de l'autre les albums qui veulent soigner la planète et ses habitants, à coups de messages positifs, de nappes ambiantes ou de sophrologie new age.
New Energy appartient de toutes ses pistes à la seconde catégorie : de "Alap", l'intro empreinte de motifs de folk-music indienne, à "Daughter" - émouvant morceau hommage à la fille du musicien - et au programmatique "Two Thousand Seventeen", Hebden cherche de toutes ses forces à nous envelopper d'ondes guérisseuses.
Qu'il s'aventure du côté du minimalisme, de la bass music, de la house ou du free jazz, il ôte toute inquiétude et toute menace des accords et des textures qu'il développe, enlève toute velléité agressive, séditieuse ou aventureuse aux genres qu'il emprunte.
Meilleur exemple de cette volonté d'adoucissement, "You Are Loved", huitième piste du disque qui sonne comme du Aphex Twin période Selected Ambient Works si Richard D. James s'était soigné de ses névroses et avait commencé à militer pour la sauvegarde de la forêt amazonienne.
Exercice louable mais casse-gueule, New Energy a été pensé comme un cocon qui donnerait envie à ses auditeurs de reprendre espoir et d'appeler leurs parents, leurs potes ou leurs enfants pour leur dire qu'ils les aiment. Dans pas mal de cas (dont le mien), l'effet aura surtout été une somnolence passagère.