Comment arriver à vous convaincre que ce monstre de disque est beaucoup plus qu'une énième connerie bastard mash-up plunderphonic truc? Qu'avant l'avènement de 2 Many Djs, d'Internet et des mashups automatiques de Psy et de Carly Rae Jepsen qui font 872000 écoutes sur soundcloud (sans dec'), le processus éminemment postmoderne de sampler / découper / lacérer / copier / coller / décalquer / détourner / redistribuer / deterritorialiser / réconfigurer / défigurer / detourner / morpher / transformer / retourner / habiter / posséder / déposséder / hanter / exorciser / cannibaliser / regurgiter littéralement ou psychiquement des lambeaux de musique préexistante pouvait avoir une vraie portée critique et esthétique, distractive et distrayante?
Ainsi Satanicpornocultshop, collectif dada, grotesque et électronique émergé de l'inextinguible bordel de la scène Osaka noise à la fin des 90s au sujet duquel on n'a jamais vraiment su s'il était pertinent d'essayer de bien comprendre quelque chose et qui a fait du collage et du pakuri assumé sa seule et unique raison d'exister. Frank Stofer du label Sonore, qui suit et soutient le projet depuis une éternité (et qui a eu la gentillesse de nous faire parvenir leur nouvel opus) résume parfaitement ce leitmotiv mystérieux: "Lorsqu’on découpe un ver de terre et qu’on assemble les morceaux dans un ordre différent, est-ce que cela reste un ver de terre ?".
Devenu quasi pop sur le papier suite à la mort d'Alan Folkroe et à l'arrivée d'un vrai "MC" et d'une chanteuse, le groupe n'a rien lâché de son amour du maelstrom enchaînant les disques et les mutations, glissant ses détournements dans les nouvelles formes au fur et à mesure qu'elles arrivaient sur le devant de la scène. Ainsi leur dernier trauma musical en date est le même que celui de Mike Paradinas de μ-Ziq et d'un bedroom producer électronique sur deux à travers le monde: la fameuse juke de Chicago, qu'ils martèlent et déforment en version baroque et oecuménique.
Derrière les coups de ciseaux et les martèlements incessants de toms synthétiques, on redécouvre avec plus ou moins de bonheur (plus ou moins de douleur) la theme song de Ghostbusters, Yellow Magic Orchestra ou Jean-Jacques Perrey ou une cohorte de classiques techno (Underworld, Underground Resistance, LFO, Derrick May). Et si on en parle, c'est que ces frankensteins de vers de terre n'ont effectivement plus rien à voir avec les bouts de viande qui survivent entre les coutures. Ce qui compte, si j'ose dire, ce sont les coutures elles-même.
Alors c'est sûr qu'avec 44 morceaux au compteur, de surcroît rangés par ordre alphabétique pour éviter les emmerdements, moins de dix personnes sur la Terre l'écouteront en entier; mais on vous assure qu'un petit bain prolongé dans ses monceaux et vallées a quelque chose d'étrangement ragaillardissant, comme ce moment après une après-midi sur BuzzFeed ou un bain un peu trop long dans une eau un peu trop chaude qui fait battre le coeur trop vite, où l'on relève la tête et où le Monde semble s'animer de nouveau sous une lumière nouvelle, plus vive, plus propre.
Pour les adeptes et les convertis, le disque est en vente à Bimbo Tower ou sur le store de Sonore.
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