Ainsi, on m’a gentiment demandé si je pouvais rédiger un petit article célébrant le disque que je considérais comme étant le plus rare de ma collection.
Passé le moment de stupéfaction (j’exagère – après tout un film est bien sorti au cinéma évoquant certains épisodes de ma vie de DJ), j’ai été assailli de doutes, de ceux qui vous empêchent de dormir la nuit – comme à chaque fois que l’on me demande quoi que ce soit, de toute façon.
La première question fut, bien entendu : quel disque ou morceau choisir ?
Mon envie initiale fut de mentionner le mini LP (Rose 53) des Valentino, obscur groupe rockabilly français des années 80, sur le label New Rose, dont j’avais acheté un test pressing de la main même du manager. J’ai finalement écarté cette option, non parce que je n’aime plus ce groupe, mais parce que cela paraîtrait tellement incongru de la part d’un DJ prétendument Deep House, et que je passerais pour le plus bipolaire/ schizophrène des DJ’s.
Je me suis donc reporté sur ma collection (j’emploie ce mot par pure formalité, en fait je ne suis pas du tout collectionneur) de vinyles ou d’enregistrements numériques House et j’ai pensé alors à "Detroit Techno Soul".
Mais que signifie exactement "rare" ? Ou plutôt, qu’est-ce qui est encore "rare" (en particulier dans les musiques électroniques) à l’heure où le moindre bruissement de machine, le moindre hoquet produit par un ordinateur se retrouve immédiatement sur YouTube et multi-commenté ?
Bingo ! Ce morceau, "Detroit Techno Soul" (hélas, je ne suis pas sûr à 100% du titre, l’inconvénient de la rareté) est, semble-t-il, miraculeusement passé à travers les mailles des filets YouTube et autres Dailymotion.
J’en ai acquis une version il y a des années par le biais de l’agent de Tony Humphries.
Humphries est un DJ d’une autre époque, il officie toujours mais fait partie, disons, de la deuxième génération des DJ’s, c’est-à-dire proche dans le temps de Larry Levan et même de David Mancuso. L’agent, donc, m’en a donné une copie digitale, réalisée à partir du vinyle de ce bon vieux Tony, ce qui explique les craquements et le son limite.
Quoi qu’il en soit c’est une perle, qui fut produite (m’a-t-on dit, cela reste aussi à vérifier) par deux des fondateurs de la Techno des origines, c’est-à-dire Reese & Santonio (duo composé de Kevin Saunderson et Santonio Echols).
Au fond il ne s’agit que d’une boucle, (préfigurant en un sens le travail sur les samples des Daft Punk, de la French Touch, etc.), répétée à l’envi, avec d’infimes variations. Mais quelle boucle ! Tant d’échos, tant d’influences dans cette petite pièce et, croyez-moi, jouée au bon moment, avec le sound-system adéquat (un point important, avec une sono médiocre je déconseille vivement) elle électrisera n’importe quel dancefloor. Pour ma part, j’entends dans cette boucle quelque chose de Reggae, de Caribéen, voire de Zouk, de ce que l’on veut en fait, mais surtout par essence de complètement House. C’est aussi une capsule temporelle ayant résisté à l’épreuve des années, quoi qu’en disent les craquements.
Autre question : quel visuel ou photo donner avec l’extrait puisque je ne dispose que d’une version digitale du morceau ? La réponse (imbécile, inévitablement), juste en dessous.
Sven Hansen-Løve est écrivain, DJ et musicien. Figure phare de la French Touch, il a contribué à faire connaître la house et le garage en France avec les soirées Cheers au What's Up Bar, au Djoon ou à La Coupole, qu'il animait avec Greg Gauthier, ou en écrivant pour le fanzine eDEN. Une partie de sa carrière est romancée dans Eden, anti biopic effiloché réalisé par sa soeur Mia Hansen-Løve dont il a co-écrit le scénario. Cheers fêtera ses 20 ans le 30 janvier prochain au Badaboum.
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