Quel rapport Arca entretient-il avec la pop music contemporaine? Qu'il soit vampirique ou synthétique, qu'il révèle le climat culturel et musical de notre époque ou qu'il ne soit qu'une protubérance un peu disgracieuse qu'on aura vite fait d'oublier dans une paire d'années, l'ascendant du producteur sur une certaine frange du mainstream (en gros, celle qui se veut un peu plus edgy que les autres) n'est en tout cas plus à démontrer, à défaut d'être interrogé. Que ce soit avec FKA Twigs ou Björk, Kanye West ou Brodinski (oui, même lui), voire même avec Dean Blunt ou Mykki Blanco, les différentes collaborations d'Arca (Alejandro Ghersi de son vrai nom) semblent dessiner une sorte de réalité parallèle, pansexuelle et nébuleuse, plus ou moins monstrueuse ou plus ou moins policée selon ses acolytes.
Car qu'on apprécie ou non de se faire défriser par sa musique, qu'on croie ou non à l'instar du grand critique américain Philip Sherburne qu'il est le parangon de la modernité dans une pop contemporaine dont on ne cesse de dire qu'elle n'est plus capable d'en produire, Arca touche un nerf sensible. Il fait partie des rares musiciens actuels qui arrivent à faire se télescoper tout ce que l'imaginaire musical récent peut compter comme tropes affolés (de la trap au retour de la noise, de l'electronica baisée à la variétoche pupute) pour atteindre un niveau de désordre et de cacophonie étonnant dans le contexte de la pop de pointe. À tel point qu'il est presque impossible de ne pas voir dans les différentes propositions du jeune producteur le résultat d'une démarche authentiquement malade, et qui met ainsi en exergue peut-être pour la première fois de manière aussi frontale le caractère résolument schizophrène qu'a pu induire l'éclatement des frontières (stylistiques, idéologiques, esthétiques) de la musique pop de ces dernières années.
En solo, il prolonge le geste jusqu'à un point de rupture, n'hésitant pas à faire basculer cette confusion du côté du chaos le plus pur : ses disques publiés sous son propre nom en deviennent d'autant plus fascinants à mesure qu'ils se révèlent déroutants. Presque un an après son premier album chez Mute, Xen, Arca s'apprête à sortir son deuxième opus sur le label londonien, le bien nommé Mutant. La vidéo de "Vanity" est disponible ci-dessous, et autant vous dire que suite à son visionnage, on n'a pas fini d'hausser les sourcils, de se frotter machinalement la barbe et de se gratter nerveusement la tête. Tourné à Paris en compagnie de son copain et filmé semble-t-il à l'Iphone, le clip fait la part belle aux déambulations nocturnes et à la moiteur des chambres d'hôtel, dans un mélange de désespoir post-ado et de défiance blasée. Comme Alejandro Ghersi le dit lui-même : "J'existe en accord avec le chaos, la destruction et l'agonie que représentent le fait d'être vivant". Caractéristiques en cela de l'état de perpétuelle ardeur et d'anxiété qui semble agiter son esprit, ces images, par leur grain lo-fi et leurs teintes brumeuses, en viendraient presque à former une matière visuelle idéale et complémentaire aux tournoiements musicaux du garçon. En même temps, c'est un peu le principe d'un clip.
L'album Mutant sort le 20 novembre chez Mute. Le clip de "Vanity" est disponible ci-dessous :
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