Comme l’aurait dit Jesse Garon: "c’est samedi, mal dormi, envie de PyPy". Le side-project (très buzzé ici) de membres de Duchess Says et d’autres bands, joue ce soir à minuit sur la scène Evolu-Son, belle petite salle attenante au magasin de musique du même nom.
"Tu prononces comme tu veux", me dit la chanteuse Annie-Claude que je rencontre avec Philippe (basse) et un Simon (batterie) bien aviné, "pour nous à la base c’était pipi, mais pour les gens c’est devenu paille-paille, pi-waille-pi-waille… et c’est quoi les autres affaires qu’on a entendues ?". Le groupe revendique une approche instinctive et sans filtre: "On prend des décisions très rapidement, des fois c’est des idées qu’on trouve mauvaises à la base, mais qu’on a du fun à en parler. Dans la musique qu’on aime et dans la musique qu’on écoute on préfère la sonorité à la signification. C’est comme notre espèce d’emblème, là, c’est une trempette de légumes".
PyPy, corbeille aux idées qu’ils n’auraient pas gardées pour leurs autres formations ? "Y’a beaucoup de ça. Les autres projets ont une idée directrice, on sait où on s’en va esthétiquement et musicalement, tandis que ça c’est vraiment irréfléchi. C’est punk en fait, c’est dadaïste. On part d’improvisations et du plaisir de faire du bruit. Et d’ici quelques jours on jouera plus jamais ces morceaux. Le but de ce groupe-là c’est soit ne pas exister, soit d’être en constante création. Le deuxième disque, ce sera complètement autre chose. Ces chansons-là, on les a déjà jouées beaucoup plus de fois qu’on pensait, mais on a quand même du plaisir, parce que c’est jamais pareil: il y en a toujours un qui joue pas sa partie au bon endroit. On se tend des pièges, on se prépare pas, p’têtre ça sonne de la marde mais c’est comme ça. C’est grâce aux accidents qu’on fait des découvertes, qu’on sort des patterns".
Je demande si le FME est propice aux déviations de la comfort zone: "Là où on sortirait vraiment de notre zone de confort, c’est dans un festival reggae. Ou au festival de musiques actuelles: celui-là on y a joué, et c’était très intellectuel, technique, théorique, avec des artistes conceptuels de renommée, et nous on débarquait comme des punks. On avait peur de se faire juger, mais ça a été comme un exutoire pour tout le monde" Avant de prendre congé, PyPy est fier d’annoncer l’imminence du dévoilement de son nouveau clip, New York. Un morceau qui sera, en début de show, l’un des meilleurs moments d’un concert dont la réussite se mesure à l’intensité des pogos. Et, surtout, au fait que derrière un volontarisme foufou potentiellement fatigant -Annie-Claude fait parfois penser à une Valérie Lemercier hipster qui chercherait à parodier le jeu de scène de Ian Curtis- et une certaine ascèse mélodique, les morceaux sont bien là, construits, rythmiquement inventifs.
Mais avant ce concert, il y a eu: de la pluie. De la pluie. De la pluie. Abrité chez le Dépanneur (ces épiceries ouvertes à peu près tout le temps si tu cherches une canette, des chips goût gratin de macaroni pimenté ou un snickers) je demande au tenancier si la mine de cuivre que mentionnent d’innombrables panneaux historiques continue de faire vivre la ville. "En fait c’est plus la mine maintenant, c’est la fonderie. Le cuivre n’est plus extrait ici: la fonderie le récupère dans des vieux appareils, des circuits d’ordinateur, pour le retravailler". La Fonderie Horne, dont le nom résonnera délicieusement à certaines oreilles, est aussi l’un des plus importants donateurs du FME.
Au rayon des bonnes surprises de la soirée, je suis cueilli par le concert d’un groupe que je n’attendais pas particulièrement: Daddy Long Legs. Rien à voir avec les parisiens du même nom, ce garage-blues-rock très électrique, très Chicago 50s, très Highway 61, très Screamin’ Jay Hawkins n’invente (donc) strictement rien. Mais l’absence totale de bullshit chez cette formation de Brooklyn, ainsi que la façon qu’a son frontman de s’accrocher à son harmonica comme à une planche de salut, rend toute résistance inutile. Classe et roboratif.
Roboratif et moins classe: pour échapper à la pluie qui redouble de violence, on trouve enfin refuge chez Morasse, qui est au plat national ce que le Nathan’s de Coney Island est au hot-dog: "La meilleure poutine au monde", nous vante l’affichage. Dans ce cas je m’interdis de seulement imaginer la pire, et j’espère que les suées subies au concert de PyPy m’aideront à évacuer le poison potentiellement létal que je viens de m’infliger.
Dans le doute, et toujours sous le déluge, j’enchaîne -il est deux heures du matin- avec la soirée électro. Un The Hacker des bons jours, qui fait simplement et redoutablement le job, est en tête d’affiche, précédé par un certain Millimetrik. Ce dernier, estampillé IDM, n’est autre que Pascal le batteur des Indiens: un grand écart qui résume assez bien l’esprit FME. Son electronica est lardée d’éclairs percussifs, comme un retour du refoulé. Belle découverte. La house de Surfing Leons, belge au capital sympathie amplement mérité, fait du bien aux derniers braves. Il est six heures, et l’ultime journée m’attend encore.
Bonus: un morceau enregistré lors du concert des Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra la veille, "Austerity Blues", en ambiance uniquement, petite compensation pour avoir été éconduit plus tôt: souffrant d’un gros manque de sommeil, le groupe n’assurera pas l’entretien envisagé.
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